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Stanislas Wawrinka, l’éveil tardif


Stanislas Wawrinka, l’éveil tardif

Bien qu’il n’ait pas pesé lourd ce vendredi, en quart de finale du Tournoi de Shanghaï face à Rafael Nadal (6-2, 6-1), Stanislas Wawrinka – titré à Tokyo la semaine passée - réalise la saison la plus aboutie de sa carrière. Avec 78,1% de victoires (50 succès en 64 matchs) et 4 titres (dont un Tournoi du Grand Chelem ; Roland Garros), le patient Suisse, 4e et en lice pour terminer sur le podium du classement ATP-2015, n’a jamais semblé aussi fort que cette année… celle de ses 30 ans. Récit du parcours d’un Champion à la lente maturation.

Le fantasmagorique monstre à quatre têtes (Federer-Djokovic-Nadal-Murray) qui règne sur le tennis mondial depuis une décennie ne laisse que peu de joueurs contrarier son hégémonie. Alors que Marat Safin, vainqueur de l’Open d’Australie 2005 en guise de chant du cygne, Juan-Martin Del Potro, si impressionnant lors d’un US Open 2009 qui promettait d’appeler tant d’autres victoires*, et Marin Cilic, en état de grâce à Flushing Meadows en 2014, n’ont que ponctuellement réussi à bousculer la hiérarchie, Stanislas Wawrinka a su remporter deux Tournois du Grand Chelem dans cette période. Une performance qu’aucun tennisman - hors Big Four (en érosion) - n’avait accomplie depuis André Agassi. Pourtant, il y a peu, Wawrinka n’était qu’un faire-valoir parmi tant d’autres (quatre titres en onze ans de carrière, entre 2003 et 2013), qu’une bête docile parmi la meute des timides prétendants, qu’un honnête joueur observant la galaxie des quatre as de sa longue vue. Comment Stan s’est-il propulsé sur orbite ? 
 Un revers pour atout
La pureté de son revers à une main – claque délicieuse autant que dévastatrice – a toujours suscité l’admiration et la crainte (voir compilation ci-dessous), mais Wawrinka a longtemps buté sur la marche qui le séparait des meilleurs. Une marche qui n’avait rien d’infranchissable, à l’aune de son aisance technique.
https://www.youtube.com/watch?v=A82-O_u66h4
En 2008, il passe au moins un tour dans chacune des levées du Grand Chelem, et tutoie le Top10-ATP, puis stagne aux alentours du vingtième rang, pendant quatre ans [voir infographie suivante : classement ATP, nombre de finales (dont victorieuses) et de GC de Wawrinka, à l’issue de chaque saison, depuis ses débuts sur le circuit].

Problème mental ? Celui des Grands doit être forgé dans l’acier. Problème physique ? Face aux autres outsiders des hautes sphères de la petite balle jaune, son corps peut faillir. Stan ne présente pas l’élasticité de Monfils, n’a pas la couverture de terrain de Ferrer, ni la taille d’une machine à aces (Del Potro, Cilic etc.). Enfin, sa puissance parle pour lui… mais il dégage moins de force « brute » que Tsonga (son body-language est en tout cas moins impressionnant).
Mais au-delà de l’impression visuelle, ses coups pèsent, et sous ses airs de « faux-lent » sommeille un énorme talent. Un énorme talent qui n’a toujours pas donné sa pleine mesure, début 2013, à l’aube du premier majeur de l’année.
 Un revers pour déclic 
Huitième de finale de l’Open d’Australie : face à Wawrinka, Novak Djokovic se dresse, imposant. L’Helvète n’a plus vaincu le Serbe depuis 2006. Son incapacité à battre ce dernier (qui lui a infligé dix défaites d’affilée) symbolise son perpétuel abonnement au second plan. Le Suisse est impérial dans le premier set (6-1), flanche dans les deux suivants (5-7, 4-6), ré-inverse la dynamique brillamment, au prix d’un échange stratosphérique (7-6, voir vidéo). Le match atteint des sommets techniques, au paroxysme de la dramaturgie, dans une cinquième manche interminable.
Nole sauve une, deux, trois balles de break à 4-4, puis les deux hommes tiennent leur engagement sans sourciller jusqu’au 22e jeu. Les points monstrueux s’enchaînent, Wawrinka reste en vie d’un revers long de ligne dont il a le secret, Djokovic maintient la pression. Le bras de fer est immense. Nouvelle balle de match pour Djoko, qui martèle Stan. Après une résistance héroïque, le challenger, dans les cordes, décoche un contre éclair. En « deux temps, trois coups de raquette », il monte au filet sur une balle courte du seigneur des lieux... qui l'exécute d'un passing limpide (1-6, 7-5, 6-4, 6-7, 12-10).

Après 5h02 de match, Wawrinka trébuche de lassitude, titube de fatigue et de déception, Djokovic déchire son maillot, de rage et de joie. Le Champion est en route pour un quatrième sacre (cinq, depuis), une troisième couronne consécutive à Melbourne. Pour le numéro 2 suisse, cette défaite aurait pu être celle de trop. Elle est celle qu’il lui faut.
https://www.youtube.com/watch?v=pleqYnR2JPo
Est-ce en cette chaude soirée de janvier, qu’il a acquis l’intime conviction qu’il avait sa place au sein de la cour des ténors ? Toujours est-il que Stan réalise une saison 2013 convaincante (atteignant le dernier carré de l’US Open, meilleur performance de sa carrière en GC) – bien qu’inégale (défaite inaugurale à Wimbledon) – qu’il ponctue de quatre finales (total inédit pour lui) dont un titre, à Estoril, et qu’il achève à la 8e place du classement ATP, sur les talons de Roger Federer (6e). Il parvient enfin à concurrencer son légendaire compatriote, mais reste seulement « dans sa roue », encore un cran en-dessous des patrons, échouant en demi-finale du « Masters » pour sa première participation. Une éclatante revanche va lui permettre de prendre une nouvelle dimension.

 2014, le changement de planète 
De retour en terres australes, Wawrinka peut exorciser ses démons. Il sort Djokovic au stade des quarts de finale, après quatre heures d’un combat à peine moins épique que celui qu’il lui avait livré un an auparavant (2-6, 6-4, 6-2, 3-6, 9-7) et atteint les demi-finales de l’Open d’Australie. Il y écarte Berdych en quatre manches, puis s’attaque au Roi du circuit, Rafael Nadal. Il prend le « torero de Manacor » par les cornes et remporte le premier set, avant que son adversaire espagnol ne se blesse au dos. La victoire finale de Stan (6-3, 6-2, 3-6, 6-3) s’en voit ainsi affublée de la mention « face à un rival diminué » mais n’en reste pas moins un triomphe majuscule. Personne n’avait, jusqu’ici, réussi à vaincre Djokovic (2e) et Nadal (1er) durant le même Tournoi du Grand Chelem. Wawrinka écrit l’Histoire. De plus, il devient le joueur le plus âgé à connaître une telle consécration (gain d’un premier GC) depuis Goran Ivanisevic, qui avait remporté Wimbledon, en 2001, à près de 30 ans et après trois échecs en finale de The Championships. Illustration de cette rareté, par le graphique suivant : âge des dix derniers joueurs à avoir ouvert leur compteur-GC, lors de l’accomplissement de cette performance.

Il poursuit sur sa lancée, quelques semaines plus tard, à Monte Carlo (se jouant en finale de Federer, face à qui il restait sur onze revers), avant de subir une cuisante défaite, aux airs de « contrecoup à retardement » de son aura croissante, à Roland Garros. Tête de série n°3 (il n’avait jamais entamé un Majeur avec un tel statut), il chute dès son entrée en lice, face à Garcia-Lopez (6-4, 5-7, 6-2, 6-0)… le poids de son exploit pèserait-il a posteriori sur ses épaules ? Wawrinka plaide l’accident, laconiquement : « J’étais complètement à plat. Jamais vraiment relax. Pas assez agressif […] Tout a été horrible. ». La suite des évènements lui donnera raison.
En effet, hormis cet accroc, le reste de sa saison rime avec confirmation. Il tient son rang, en réalisant le « service minimum » que son nouveau classement (oscillant entre la 3e et la 4e place) lui confère (en considérant qu’une surprise et/ou un spécialiste peut s’inviter dans le dernier carré de chaque GC) : quart de finale à Wimbledon et à Flushing Meadows. Enfin, en participant à la conquête du mythique Saladier d’Argent (première Coupe Davis glanée par la Suisse), il couronne une fantastique année. La suivante sera-t-elle du même acabit ?
 2015, la terre battue à ses pieds
Wawrinka commence fort, par une victoire à Chennai, puis, bien qu’il ne conserve pas son titre à Melbourne, il réalise à l’occasion de l’Open d’Australie son meilleur résultat en GC, depuis un an (éliminé en demi, en cinq sets et par… un certain Novak).
A Roland Garros, il boute encore hors du tournoi les têtes de série n°1 et 2 (Federer, puis Djokovic) avant de soulever le Trophée. « Stan, The Man » vient de réaliser à deux reprises en 18 mois, ce que personne n’avait réussi à faire une seule fois en plus de 20 ans (Bruguera éliminant les Américains Sampras et Courier pour remporter RG, en 1993).*
Il rate encore le coche à Wimbledon, qui ne lui sied décidément guère, en cédant après un solide affrontement face à Gasquet (11-9 au cinquième set), non sans avoir passé quatre tours auparavant. Son US Open est réussi, sans être exceptionnel (demi-finale). 
Pour la première fois, en 2015, Stan bouclera une année calendaire en ayant figuré parmi les huit meilleurs lors de chacun des Tournois du GC. Non, son Open d’Australie 2014 n’était pas un simple rêve éveillé… Stanislas Wawrinka a terminé sa grasse matinée et, loin d’être rassasié, il ne semble pas enclin à succomber aux bras de Morphée.

Simon Farvacque

*http://www.eurosport.fr/tennis/roland-garros/2015/wawrinka-5-stats-bluffantes-pour-un-sacre-qui-fera-date_sto4774156/story.shtml

Autres sources :

http://www.atpworldtour.com/players/stan-wawrinka/w367/player-activity?year=2015

http://www.lequipe.fr/Tennis/TennisFicheJoueurM_3013.html

http://www.lemonde.fr/sport/article/2014/01/26/tennis-le-suisse-wawrinka-bat-nadal-en-finale-de-l-open-d-australie_4354652_3242.html

Publié le 18.10.2015 








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