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Le cas Cudmore, plus qu'un simple litige

Jamie Cudmore (US Oyonnax - ProD2) et sa femme envisagent de poursuivre en justice l’ASM Clermont Auvergne, ancien club du « bûcheron canadien ». En cause ? Un protocole de commotion cérébrale que le staff médical des « Jaunards » n’aurait pas respecté. Ce conflit, particulier, suggère une réflexion plus globale. 



Triste épilogue. Après 11 saisons de bons et loyaux services, Jamie Cudmore (38 ans) a quitté Clermont, cet été, sur une note amère. Dès le mois d’août, le solide Canuck avait déclaré, dans les colonnes du Midi Olympique, que son ancien employeur avait « joué avec sa santé » en avril/mai 2015. Il y a quelques jours, il est revenu en détail sur ce qu’il reproche à son précédent club, via le Daily Mail.

Graves accusations

Face aux Saracens en demi-finale de l’European Rugby Champions Cup 2015 (13-9), Cudmore est sonné suite à un choc tête contre tête avec Billy Vunipola. "Ils ont commencé à me recoudre et à me faire passer le protocole commotion avec les questions habituelles et les 5-6 mots que je devais retenir et répéter au médecin", confie le Canadien.

Problème : il n’est pas en mesure de répondre au médecin clermontois : « Je n'avais pas la moindre chance. J'ai probablement dû me souvenir d'un seul de ces mots et je me rappelle parfaitement du doc qui me dit : "Non, vous en avez terminé... c'est fini" ».

Problème, encore plus important : il reprend pourtant. Motivé, évidemment, loin d’être lucide, aussi, Cudmore ne se fait pas prier quand « le médecin du club est revenu en (lui) disant : "Jamie, Jamie, comment vas-tu ? Sebby (Sebastien Vahaamahina) ne va pas bien. Peux-tu revenir ? Tu dois revenir". Des propos contredits par Frank Azéma, l’entraîneur auvergnat : « Le protocole a révélé qu’il pouvait revenir sur le terrain. Il est rentré. Nous n’avons mis aucune pression sur le médecin ».

Affaire en cours

Deux semaines plus tard, Cudmore participe à la finale, perdante (18-24 face au RCT), et rechute. Un premier coup le tétanise dès l’entame du match, « j'ai fait le protocole commotion avec un nouveau médecin pour vérifier que tout allait bien et j'ai repris le match », un second enfonce le clou : « vers la fin de la rencontre, j'ai eu un choc tête contre tête avec Juan Smith. J’ai commencé à vomir dans les vestiaires ».

S’ensuit une semaine de maux de tête, d’inquiétude, et une prise de conscience chez le 2e/3e ligne canadien : « Je ne connaissais rien à propos du syndrome du deuxième impact. Je ne savais pas que j'aurais pu mourir »Sa femme, Jen, va plus loin : « C'était comme s'ils essayaient de tuer mon mari pour un trophée ».

Le couple monterait actuellement un dossier juridique pour étayer ses dénonciations, alors qu’Eric de Cromières (président de l’ASMCA) se défend d’avoir pris le moindre risque avec la santé de son ancien joueur, alors pion essentiel du pack des Jaunards « Les médecins du club ont mis (Jamie) en garde (…) il est du genre insistant ».

Protocole commotion, quèsaco ?

La colère des Cudmore concerne (au moins) le respect de deux des trois formulaires du protocole de commotion cérébrale FFR/LNR : les HIA (head injury assessment) – 01 et 03. Ces formulaires doivent permettre d’évaluer le préjudice d’un choc et d’en tirer les conséquences (joueur qui ne revient pas sur le terrain, ou qui est soumis à une période de repos allant jusqu’à 3 semaines). Le premier (HIA-01) doit être soumis au joueur dès le constat des premiers symptômes, en match (10 minutes pour le faire) et porte sur les douleurs ressenties ainsi que sur la mémoire immédiate/à court terme. Le second (HIA-02), à exécuter trois heures après la rencontre, et le troisième (HIA-03), 48h après celle-ci, concernent les sensations et leur évolution.*

En début de saison, les joueurs passent une évaluation informative et à visée comparative (pour établir leur score de référence neurologique) et les médecins/kinésithérapeutes de terrain des clubs professionnels suivent une session de formation. C’est à eux que la responsabilité incombe, à eux de mettre, ou non, un joueur (parfois majeur) sur la touche. Une tâche difficile à assumer.

"Trop de médecins de clubs regardent encore les matchs comme des supporters". Par cette déclaration, Jean-Claude Peyrin, président de la Commission médicale de la FFR, mettait le doigt en mars dernier sur ce qui est, peut-être, le nœud du problème.

Déresponsabilisation symbolique ?

 Lorsqu’un club professionnel n’a pas fait le nécessaire (pas de formation, indisponibilité lors du match) pour présenter un médecin susceptible de réaliser le protocole de commotion cérébrale, le comité médical de la FFR en met un à disposition. Ce « médecin de match » a toute autorité pour un test HIA et la sortie définitive d’un joueur. 

Généraliser ce système, au-delà des aléas et/ou des manquements des clubs, est envisageable. Discutable, aussi, mais peut-être à débattre, à quelques jours des élections de nouveaux présidents, à la LNR (4 octobre) comme à la fédération (3 décembre, sauf report).

La décision reviendrait ainsi, toujours, à une personne qui n’est pas partie prenante de la rencontre autrement qu’à travers ce rôle de garant de la sécurité des participants. Cela mettrait fin aux spéculations et éviterait tout conflit d’intérêt… mais induirait un coup financier (certes minime) pour la FFR : celui de l’augmentation du nombre de personnes habilitées à être « médecin de match ».

Une potentielle dérive identifiable serait celle du questionnement sur le cloisonnement de cette « réforme ». Pourquoi la réserver aux blessures cérébrales et ne pas l’étendre aux blessures articulaires ou musculaires ? On est encore loin d’un tel excès.

Enfin, ce choix d’enlever aux clubs tout poids décisionnel dans de telles circonstances  ferait, aussi, office d’aveu d’impuissance face à la prépondérance croissante de l’enjeu sportif – et donc, par rebond, économique – sur la santé des joueurs dans le rugby professionnel.  

Simon Farvacque


 

* Pour plus de précisions : voir détail du protocole de la saison 2014/2015, dernier document publié sur les sites de la FFR et de la LNR : 

http://www.lnr.fr/sites/default/files/Nouveau-protocole-commotion-2014-2015.pdf

Sources :

http://www.rugbyrama.fr/rugby/top-14/2015-2016/top-14-le-protocole-commotion-adopte-mais-pas-tout-a-fait-adoube_sto5413506/story.shtml

http://www.rugbyrama.fr/rugby/top-14/2015-2016/top-14-asm-clermont-franck-azema-repond-a-jamie-cudmore_sto5708876/story.shtml

http://www.lequipe.fr/Rugby/Actualites/Jamie-cudmore-c-est-le-rugby-des-annees-70/713301

 

Publié le 29/09/2016



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