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Eugénie Bouchard, mal profond ou contrecoup nécessaire au rebond ?

Eugénie Bouchard,
mal profond ou contrecoup nécessaire au rebond ?

Seule joueuse présente dans le dernier carré du tableau féminin des trois premiers Grand Chelem de l’année 2014, avec en point d’orgue une finale perdue à Wimbledon, Eugénie Bouchard fut la révélation de la précédente saison. Cette éclosion spectaculaire promettait d’être compliquée à confirmer : elle l’est dans des proportions insoupçonnées. En effet, la jeune Canadienne (21 ans) semble aujourd’hui dans l’impasse, éliminée dès le premier tour lors de huit des dix derniers tournois qu’elle a disputés. Entre changement de coach, perte de confiance, méforme et/ou difficultés à s’accommoder de son nouveau statut de tête d’affiche, les potentiels vecteurs de cette régression ne manquent pas. Etat des lieux et perspectives.

Si grimper au sommet n’a rien de simple, s’y maintenir est infiniment plus complexe. Eugénie Bouchard le constate à ses frais depuis maintenant un an. En total manque de confiance, elle pointe à la 24e place du classement WTA (établi sur douze mois) et n’est que 56e à la race (« course au Masters » qui prend seulement en compte les résultats de l’année en cours). Elle vit ainsi sa première période de rétrogradation, depuis son accession au haut niveau (voir schéma suivant).


Cette mauvaise passe se traduit spectaculairement, via l’indicateur des tournois majeurs. L’an passé, elle avait réalisé sa meilleur performance dans chacune des quatre levées du Grand Chelem (demi-finaliste à l’Open d’Australie et Roland Garros, finaliste à Wimbledon et éliminée en huitième à l’US Open), cette année, elle y opère toujours son pire parcours (voir graphique précédent).

D’où provient ce fléchissement ?

Open du Canada : climat pesant, échec cuisant

Août 2014, Eugénie Bouchard surfe sur la vague de sa première partie de saison exceptionnelle. La large défaite que Petra Kvitova lui a infligée (6-3, 6-0), lors du dernier acte du GC londonien, n’altère que légèrement la superbe impression dégagée par son jeu et sa courbe de progression.

Elle aborde donc avec ambition l’Open du Canada (dont les compétitions féminines et masculines se déroulent respectivement, et alternativement, à Montréal et Toronto), cristallisant les attentes des supporters. L’illusion ne durera pas plus d’un match... et encore. Cueillie à froid (0-6) puis achevée (0-6) après un court réveil (6-2) par l’Américaine Shelby Rogers (alors 113e mondiale et issue des qualifications),  Bouchard, balayée sur ses terres, semble avoir besoin de souffler et de s’habituer à sa récente notoriété. Simple formalité ?

Que nenni. Cet accroc, et ses circonstances (troisième « manche blanche » encaissée en deux rencontres), en appellera bien d’autres. En effet, à partir de celui-ci (compris), Bouchard a terminé la saison sur une modeste série de neuf victoires pour neuf défaites (50% de succès), loin de l’excellence qui la caractérisait jusqu’alors en 2014 (70% de réussite, trente parties gagnantes, seulement treize perdantes). Dans le détail : un US Open correct (quitté au stade des 1/8) venu compléter sa collection de « deuxième semaine » en GC, un tournoi de Wuhan satisfaisant (nouvel échec en finale face à Kvitova) et moult déceptions, dont un « Masters » fantomatique, ponctué de trois revers en trois matchs, sans marquer plus de 3 jeux dans le moindre set.

Un net fléchissement d’autant plus interppelant qu’il se poursuit cette année (voir illustration suivante), malgré une tentative d’enrayement via un  important changement.

Pourcentages de victoires d’Eugénie Bouchard, par saison, depuis 2011. Statistiques établies sur l’ensemble des rencontres disputées sur le circuit WTA (donc hors-Fed Cup et « qualifications » etc.)

 Quelques jours après cet épilogue désastreux, Bouchard s’était en effet séparée, d’un commun accord, de son entraîneur américain, Nick Saviano, celui-ci déclarant : « Genie (Bouchard) et moi avons décidé qu'il était dans notre meilleur intérêt de mettre un terme à notre relation » avant de renchérir : « Cette année à voyager avec elle pour disputer tous ces majeurs a été une formidable expérience. Je chérirai ces moments pour toujours.». Il lui fallait donc trouver une personne susceptible de l’aider à relever la tête.

L’intermède Sumyk, de mal en pis

Après avoir entamé l’année 2015 sans véritable guide « je suis allé à l'Open d'Australie avec une équipe mais je ne savais pas si cette solution serait permanente.», en février, Eugénie trouve en Sam Sumyk le soutien idéal. Le Français, qui a longtemps officié auprès de Victoria Azarenka (autre joueuse au fort potentiel et actuellement dans une dynamique négative), présente en effet le profil parfait. Illustratio : en 2010, il avait débuté sa collaboration avec la Biélorusse lorsque celle-ci était dans l’année de ses 21 ans (Bouchard l’est également), figurait au 7e rang mondial (Eugénie aussi, à cet instant) et ne comptait aucune finale en GC (n'y ayant donc glané aucun trophée... tout comme la Québécoise). Avec lui, Vika a atteint le trône du circuit WTA (1ère à la fin de la saison 2012) et remporté deux titres du GC (en quatre finales jouées).

Entre un coach habitué au défi proposé, allergique à la routine « je suis toujours à la recherche d’un nouveau défi. Je déteste le confort. Lorsque je me sens dans une situation de confort, c’est le moment où j’ai l’impression de cesser de m’améliorer comme coach et comme personne » et en quête d’une nouvelle expérience ; et une joueuse, en perte de vitesse durant la fin de saison, qui cherchait à franchir un cap via un électrochoc, par un nouveau mode de fonctionnement : les aspirations semblaient compatibles et le duo promettait. Il a déçu, et ce bien au-delà de toutes les craintes admises.

Comme évoqué précédemment (et via infographies), ce sont des résultats indigents qui émaillent le parcours de Bouchard depuis six mois. Après avoir mis un terme à son association avec Sumyk à quelques jours de disputer l’Open du Canada, à Toronto, Bouchard y a subi un énième camouflet, comme pour « boucler la boucle » de ses errances : défaite inaugurale face à la très prometteuse Suissesse Belinda Bencic (18 ans, alors 22e au classement, maintenant montée au 12e rang), sur le score de 6-0, 5-7, 6-2.

A Cincinnati, la Canadienne n’a été éliminé qu’après avoir remporté son premier match (7-6, 7-6 face à Bondarenko), maigre consolation... mais premier pas encourageant ? Peut-elle tirer un trait sur une année de « galères » ?

Des maux divers et variés

Fin 2013, des chamboulements au sein de son staff (décidément jamais sans conséquences pour elle)  avaient peut-être influé sur sa première moitié de saison 2014 remarquable (elle s’était séparée de Nathalie Tauziat, Nick Saviano – qui la conseillait déjà depuis plusieurs années – devenant alors son entraîneur principal). Etait-ce une modulation indispensable pour passer un tel palier ?

La jeune femme, qui retombera à la 25e place mondiale à la publication du prochain classement WTA, fonctionne visiblement par cycles. Elle semble avoir besoin de repères, d’un environnement serein pour avancer, mais si celui-ci se mue en cocon immuable et inhibant, il devient contre-productif. Le compromis est dur à trouver.

Outre ce problème d’ordre psycho-tactique, physiquement, le bât blesse également. Elle a en effet souffert de douleurs abdominales qui l’ont handicapée plusieurs semaines. Alors que celles-ci paraissent enfin derrière elle, Eugénie se montre confiante « j'y crois et je sais que mon talent ne s'est pas évanoui. Il faut encore travailler dur, et différemment.» et synthétise ainsi ses maux du moment, pointant principalement du doigt le mental, à l’heure d’élever au rang de « majeure » l’une des causes de ses déboires «Je ne me sentais pas moi-même. Ma confiance, mon agressivité dans le jeu n'étaient pas là. Et pourtant, je m'entraînais très durement. »

Enfin, elle déclarait il y a un mois, qu’elle se sentait maintenant capable de prendre le recul nécessaire, vis-à-vis de la pression médiatique « cela a été intéressant de constater que lorsque les choses allaient bien pour moi, tout le monde m'appuyait et me montait aux nues, et de voir à quel point, ensuite, on me rabaissait. C'est ce besoin des médias d'avoir une histoire à raconter. C'est quelque chose dont je me détache. [...] Je sais ce que je fais et je sais ce en quoi je crois. C'est difficile de ne rien entendre ni voir, mais j'essaie de garder ça loin de moi et de ne pas m'inquiéter.». Vraie preuve de maturité, ou méthode Coué ?

Dans le marbre rien n’est gravé

Ses récents tourments ne sont pas à occulter, au contraire, mais ils n’augurent pas forcément d’un retour définitif dans le rang. Les exemples sont nombreux et démontrent surtout que rien n’est acté.

- Son « au revoir » avec les plus hautes cimes rime-t-il avec adieu ? Ana Ivanovic avait bouclé la saison de sa 21e année à la 5e place du classement WTA (remportant au passage Roland Garros), avant de terminer cinq fois hors du Top 15 (2009-2013) puis de retrouver le 5e siège mondial l’an dernier, à 27 ans. Daniela Hantuchova (32 ans) n’a, quant à elle, toujours pas fait mieux que sa saison 2002, qui l’avait vue, à 19 ans, finir 8e.

- A-t-elle laissé passer sa chance, dans l’optique d’un grand succès ? Andy Murray et Kim Clijsters ont attendu quatre ans, entre leur première finale de GC et leur premier titre... tandis que Marcos Baghdatis patiente toujours, depuis sa finale perdue à l’Open d’Australie en 2006 (n’ayant plus jamais su réitérer cette performance) et qu’Elena Dementieva (Championne olympique 2008) aura connu le dernier carré de tous les Tournoi du GC, sans jamais les décrocher à son palmarès.

- Concrétiser, très jeune, ses talents en grand succès, est-il gage de longévité ? A l’âge de Bouchard, Martina Hingis comptait déjà cinq sacres en GC (en simple), Federer pas le moindre. De 5-0, le score est passé à 5-17. Mais à l’âge de Bouchard, Nadal était déjà triple tenant de Roland Garros. Il en est aujourd’hui nonuple vainqueur. A chaque carrière sa vérité.

Plus tard, quand Eugénie Bouchard se retournera sur la sienne, verra-t-elle en cette année noire, le contrecoup naturel de sa rapide ascension, qui aura permis son rebond, ou la preuve qu’elle n’était pas forgée du même métal que les Champions ?

Simon Farvacque

 

Statistiques arrêtées au 23.08.2015

Sources :

http://www.sport.fr/tennis/circuit-wta-eugenie-bouchard-vire-son-entraineur-francais-380290.shtm#ixzz3jOnYx6Ku

http://www.lequipe.fr/Tennis/Actualites/Eugenie-bouchard-perd-encore/581233

http://fr.tennistemple.com/classement-wta-race/w34y2014

http://fr.tennistemple.com/eugenie-bouchard-ps2625/statistiques

http://fr.tennistemple.com/eugenie-bouchard-ps2625/resultats

http://www.eurosport.fr/tennis/wta-montreal/2014/montreal-eugenie-bouchard-eliminee-d-entree-de-jeu_sto4349776/story.shtml

http://www.lapresse.ca/sports/tennis/201507/22/01-4887465-eugenie-bouchard-croit-pouvoir-renverser-la-vapeur.php

http://www.lequipe.fr/Tennis/Actualites/Bouchard-quitte-son-entraineur/517767

http://www.lequipe.fr/Tennis/TennisFicheJoueurF_2418.html

Publié le 24.08.2015

 

 

 

 

 

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