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Serena Williams – Maria Sharapova, un duel à sens unique ?

 

Lorsque Maria affronte Serena, elle joue face à elle-même. En mieux. Puissance, frappes de balle « à plat », aura etc. tous les atouts qui sont habituellement les siens… semblent s’envoler dans la poche de son adversaire, qui plus est dominante au service. Depuis plus de onze ans, la Russe tente de résoudre ce problème qui paraît insoluble.


Dans l’impasse. Maria Sharapova, comme tétanisée face à son reflet bonifié, est l’ombre d’elle-même quand elle affronte Serena Williams : l'Américaine est sortie vainqueur de leur dix-huit derniers duels ! De plus en plus crispée par cette série de défaites, « MaSha » s'entête dans son registre habituel, faisant ainsi le jeu d’une souveraine Serena, pour qui le bras de fer est une aubaine. Dans l’optique d’inverser la tendance, changer de stratégie n'offre aucune garantie… mais s’impose comme un prérequis.

2004, le temps de l’insouciance

Pourtant, Maria peine à s’y résoudre, semblant assimiler ce revirement tactique à un aveu de faiblesse. Une incapacité à se remettre en question que le passé peut expliquer. En effet, c’est dans le combat frontal que Maria Sharapova avait réussi à prendre l’ascendant sur Serena Williams, en 2004, à seulement 17 ans. En finale de Wimbledon, elle inflige une humiliante défaite à la double-tenante du titre (6-1, 6-4), puis confirme en s’imposant aux Masters (4-6, 6-2, 6-4). Sans compromis, dans son pur style "rouleau-compresseur".

L’Américaine aurait-elle trouvé sa "maîtresse cogneuse" ? Au contraire, elle a trouvé un leitmotiv redoutable. Pour Jérôme Bianchi, kiné de Sharapova, Williams n’oubliera jamais ces deux échecs. Il déclarait ainsi dans L’équipe du 27 janvier dernier : « On m’a rapporté que Serena aurait déclaré avoir ‘’créé un monstre’’ (en la personne de sa jeune adversaire, capable de se sublimer pour la vaincre). Or, elle voulait être le seul monstre. Ça a été le début de la guerre psychologique… et Serena est une tueuse. »

Dès le début de l’année 2005, les deux joueuses se retrouvent en demi-finale de l’Open d’Australie, Williams passe à deux doigts de la porte… mais finit par la claquer au nez de Sharapova (2-6, 7-5, 8-6). Cette rencontre si serrée marque le début d’une rivalité qui perdure malgré sa soumission à un scénario immuable. 

Le service, cruciale différence

Un domaine, plus que tous les autres, illustre la mainmise de la numéro 1 mondiale sur ce duel qui semble ne plus en être un : le service. Sharapova est en perpétuelle quête de régularité dans ce secteur, notamment depuis son opération de l’épaule, en 2008 : « J’ai essayé plusieurs mouvements différents. Il ne faut pas que l’épaule parte trop en arrière depuis cette intervention chirurgicale. Ce n’est pas facile de trouver le bon équilibre. » 

De plus,le risque d’érosion au fil des tours reste prégnant, bien que Maria cherche à l’éviter « Il fallait aussi trouver un geste qui fasse que ça ne tire pas trop sur l’articulation au bout de trois ou quatre matches», et ce n’est que très rarement qu’elle croise la route de Serena, avant les quarts de finale. Enfin, « MaSha » doit appréhender sa crainte du retour-canon et la capacité d’anticipation de Williams. Elle déclarait ainsi, suite à sa dernière défaite face à elle, lors de l’Open d’Australie : « Si tu sers à 180 km/h contre la plupart des joueuses, tu fais un ace. Sauf contre Serena. »

Lors de cette rencontre, la Russe a présenté le bilan suivant : 3 aces - 7 doubles fautes… alors qu’au tour précédent, elle avait cumulé 21 aces pour le même nombre de points donnés sur son engagement, face à Belinda Bencic. Sans l’arme du service, elle ne peut pas lutter. La statistique, sur leur dix-huit dernières joutes est édifiante : 9.3 aces et 2.9 doubles fautes pour Serena Williams, en moyenne, contre 2.1 et 6.1 pour Sharapova. Rédhibitoire.

Quid de sa polyvalence ?

Tous les points forts de la Russe : l’Américaine en jouit, et semble être « un cran au-dessus » dans cette excellence partagée, à laquelle elle ajoute une palette un peu plus variée (montées au filet, amortis ponctuellement utilisés). Si l’efficacité au service lui offre un matelas de sécurité, le match est terminé avant même d’avoir débuté. La seule échappatoire, pour Sharapova, réside donc dans la variation, comme évoqué initialement. Son incapacité à l’admettre est d’autant plus frustrante, qu’elle a déjà su tordre le cou aux idées reçues. En effet, Maria a d’abord été cataloguée comme une joueuse incapable de bien se déplacer, d’adapter ses lourdes frappes et ses grandes enjambées à la terre battue. Elle se comparait elle-même à une « vache sur une patinoire », pour qualifier son (absence d') aisance sur la surface ocre.

Un sentiment qui se traduisait dans l’armoire à trophées : en 2008, avant le repos forcé imposé par son épaule droite, elle comptait déjà l’Open d’Australie, Wimbledon et l’US Open à son palmarès… mais n’avait jamais atteint la finale de Rolland Garros. Depuis son retour de blessure ? Elle n’a plus gagné le moindre Grand Chelem sur dur ou gazon et s’est imposée deux fois près de la Porte d’Auteuil (en 2012 et 2014). Cette capacité d’adaptation… qui s’évapore face à Williams, rend l’aspect inéluctable de ses revers d’autant plus frustrant.

Le constat d’impuissance

Frustration rime souvent avec rébellion… mais parfois avec abandon. « Serena est à un niveau différent. » L’éloge a beau être accompagné d’une dose de méthode Coué : « elle t’impose de travailler, c’est inspirant », il traduit une sorte de renoncement de la part de Sharapova. Pourtant Williams présente des failles, comme ses récents échecs à Flushing Meadows (1/2) et Melbourne (finale) en attestent. Elle avait fait preuve d’une grande fébrilité, aux portes de l’Histoire (potentiel GC calendaire, record de Graf en vue etc.). Cependant, ce sont des « contreuses » (Vinci et Kerber) qui ont alors profité de son émotivité, et sa confiance est inébranlable dès que Sharapova se trouve de l’autre côté du filet.

De prime abord, lorsqu’elle évoque son adversaire russe en conférence de presse, son discours semble osciller entre le politiquement correct : « Maria est une battante qui n'abandonne jamais », et le cynisme : « elle arrive à tirer le meilleur de moi-même… j’adore donc la jouer ! », mais c’est bien plus que cela. En termes de résultats bruts, ce duel est à sens unique, mais dans les carrières des deux tenniswomen concernées il a joué un rôle si important que le cataloguer comme tel serait réducteur. Pour la compétitrice qu’est Serena, cette série de victoires, face à une rivale qui avait su la prendre à son propre piège il y a plus d’une décennie, symbolise le refus compulsif de la défaite qui a forgé son palmarès immense. Sans Maria Sharapova, elle ne serait peut-être pas devenue le mythe qu’elle est aujourd’hui.

En 2004, Serena Williams craignait d’avoir créé « un monstre », une joueuse quasiment invincible. Elle avait raison. Saut que cette joueuse, c’est elle… et que le quasiment prend tout son sens, à l’heure d’égaler les vingt-deux titres du Grand Chelem de Steffi Graf.

Simon Farvacque


Analyse vidéo :


 

Extrait du J’e-T Sporthinker #2 :


Sources 

http://www.lequipe.fr/Tennis/Actualites/Sharapova-ace-machine/627601

http://www.eurosport.fr/tennis/roland-garros/2014/roland-garros-2014-maria-sharapova-de-la-vache-sur-patinoire-a-la-star-sur-terre_sto4274365/story.shtml

http://www.franceinfo.fr/sports/sports/article/open-d-australie-s-williams-ne-s-attendait-pas-arriver-jusqu-en-finale-637515

http://www.lequipe.fr/Tennis/Actualites/Maria-sharapova-serena-williams-est-a-un-niveau-different/628243?utm_source=dlvr.it&utm_medium=twitter&dlvrit=1932960

https://matchstat.com/tennis/h2h-odds-bets/Serena%20Williams/Maria%20Sharapova

 

Publié le 16.02.16 


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