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Le golf ne (se) prend pas aux Jeux

Les Jeux Olympiques s'apprêtent à renouer avec deux idylles contrariées et de courte durée, à Rio (5-21 août). Le rugby, qui n'a plus été pratiqué aux JO depuis 1924, revient cette année sur le devant de la scène via le sevens (et non plus le quinze), tandis que le golf fait son retour après 112 ans d'absence. Si le rugby à 7 génère un vrai intérêt, ne serait-ce que par son caractère spectaculaire et la curiosité que son relatif manque de notoriété suscite, le golf, lui, s'invite plus timidement à la grande messe quadriennale. 

Tout... ou rien. Voici ce que les JO peuvent représenter pour les sportifs selon leur discipline. De compétition accessoire à rêve d'une vie en passant par le compromis d'un rendez-vous important sans être primordial, les épreuves olympiques résonnent de manière très différentes selon le sport pratiqué. Et pour les golfeurs, on tend plus vers la première option... pour l'instant.

C'est la fin d'une pénitence qui dure depuis 1904 : il y aura deux tournois olympiques de golf cet été à Rio, un féminin et un masculin. Dans les deux cas, ils/elles seront 60 au départ. Les 60 meilleurs mondiaux ? C'est ce qui était prévu, espéré. Chaque pays pouvant engager jusqu'à deux voire quatre joueurs, si ces derniers font partie du top 15 mondial. Priorité au gratin donc. Sauf que le gratin, lui, boude Rio. 

"Je joue au golf pour gagner des tournois majeurs"

Bubba Watson sera l'unique représentant du quintette de tête du golf mondial, dont il ferme la marche (5e). Pas de Jason Day (1er), ni de Dustin Johnson (2e), de Jordan Spieth (3e) - qui avait longtemps laissé planer le doute sur sa présence - et de Rory McIlroy (4e). Si on élargit l'élite planétaire au "top 30", c'est à peine mieux que le 20% ici affiché : 9 sur 30 (voir photo ci-dessous et liste complète des participants). 

Pour justifier son forfait, McIlroy a évoqué le virus Zika (voir suite)... sans cacher que son absence ne serait pas une insurmontable déception : "J'ai décidé de jouer au golf pour gagner des tournois majeurs, pas pour participer aux Jeux (...) Je regarderai probablement les JO à la télévision. Les épreuves d'athlétisme et de natation par exemple... mais je ne suis pas certain de rester devant mon poste pour le tournoi de golf."

Du côté de la délégation française, Victor Dubuisson (78e et meilleur Tricolore), ne sera pas non plus de la partie. Au-delà de la raison avancée - "une mauvaise forme golfique" - Dubuisson regrette que les Jeux ne se disputent pas par équipes : " C'est un tournoi individuel... et c'est un peu dommage." 

Le golfeur français a par ailleurs réfuté la thèse de la cause sanitaire - "pas de problème de Zika ou quoique ce soit" - qui fait tant causer. 

Zika, amplificateur de désamour, parfait alibi ou précaution légitime ?

Comme McIlroy (mais aussi Johnson et Spieth), Day pointe du doigt le fameux virus (très présent au Brésil, où 1.5 million de cas ont été recensés) quasi-exclusivement transmis par piqûre de moustique. Un virus qu'il qualifie de "principale raison" de sa non-inscription à l'épreuve olympique. Zika est majoritairement "asymptomatique" pour les hommes infectés d'après Jean-Claude Manuguerra - responsable de la cellule d'intervention biologique d'urgence de l'institut Pasteur, mais ses conséquences peuvent être bien plus graves pour les femmes. Si elles sont porteuses du virus durant leur grossesse, le dit-virus augmente considérablement la probabilité de voir leur enfant être atteint de microcéphalie.

 

De quoi convaincre les golfeurs les plus hésitants de renoncer... voire une occasion rêvée de se dédouaner. Mais attention, le flou qui règne autour de Zika, justifie bien des prudences (même si Manuguerra réfute par exemple la thèse d'un risque de contamination plus élevé dans la zone marécageuse de Barra da Tijuca, où se situe le parcours de golf).
De quoi convaincre les golfeurs les plus hésitants de renoncer... voire une occasion rêvée de se dédouaner. Mais attention, le flou qui règne autour de Zika justifie bien des prudences (même si Manuguerra réfute par exemple la thèse d'un danger plus élevé dans la zone marécageuse de Barra da Tijuca, où se situe le parcours de golf). En effet, si le simple conseil suivant : "rendez-vous au Brésil sans votre famille" pourrait représenter un contre-argument de poids... la méconnaissance des conditions de transmission de Zika laisser planer un doute. L'évaluation du risque de contamination par rapport sexuel, notamment, en est encore à ses balbutiements. 

 Impossible donc d'affirmer que ce virus n'est qu'une couverture, mais difficile de douter de l'opportunisme de certains golfeurs peu enclins à goûter à l'aventure olympique. Le comble étant que les golfeuses tournent moins le dos à Rio que leurs homologues masculins (le "top 4" féminin sera de la partie*). Une chose est sûre : la pénurie de star ne peut se résumer à cette problématique sanitaire.

Peu de potentiels leviers pour séduire les cadors 

Outre par leur prestige, les Majeurs (US Open, British Open, USPGA et Masters) peuvent se montrer très lucratifs... alors que les Jeux Olympiques n'offrent aucune dotation (les primes accordées aux médaillés dépendent de leurs instances nationales). 

Le calendrier n'est pas non plus idéal. Le British Open vient de s'achever (14-17 juillet), par la superbe victoire de Henrik Stenson (-20) devant Phil Mickelson (-17), et l'USPGA s'apprête à débuter (28-31 juillet). Ces deux événements font de l'ombre à des JO (11-14 août pour les hommes, 17-20 pour les femmes) qui correspondent plutôt à une période de repos avant les playoffs de la FedExCup (finale du 22 au 25 septembre) et la Ryder Cup (30 septembre - 2 octobre). Encore deux rendez-vous qui font miroiter des gains bien plus importants, au-delà de ce qu'ils représentent dans le monde du golf.

Alors, quel intérêt ? Le patriotisme et l'envie de défendre les couleurs de son pays, certes. A ces facteurs émotionnels, s'ajoutent une donnée compétitive : les vainqueurs des Jeux décrocheront un sésame pour tous les grands tournois de l'année 2017. Pour les stars, de toute façon invitées à la fête si leur classement le justifie, la "carotte" est bien dérisoire. Pour les joueurs moyens, l'intérêt est réel. Sans être insignifiant, cet argument n'apporte donc aucun gage sur le pedigree des participants. 

L'heure n'est pas encore celle des bilans mais d'ici quelques semaines, après les JO de Rio, il sera temps de réfléchir à la façon dont le golf peut se conjuguer avec l'olympisme. Il sera temps de débattre de la pertinence du format choisi, des critères de sélection et des moyens de rendre attractives les compétitions. Voire de la légitimité de la présence du golf aux Jeux. Il n'a signé que pour un bail de deux éditions (Rio et Tokyo) et sa participation sera remise en cause dès l'an prochain lors de l'examen des candidatures des prétendants à une entrée dans l'univers olympique en 2024. En remettant un pied, timide, dans celui-ci, le golf n'a fait que passer le cut. Pour faire de ce retour un succès, le chemin est encore long. 

Simon Farvacque

 

 

*Les principaux engagés chez les hommes : Bubba Watson (USA), Henrik Stenson (SWE), Rickie Fowler (USA), Danny Willett (ENG), Justin Rose (ENG), Sergio Garcia (SPA), Martin Kaymer (GER), Grégory Bourdy (FRA), Julien Quesne (FRA). Les principales engagées chez les femmes : Lydia Ko (NZL), Brooke Henderson (CAN), Inbee Park (KOR), Lexi Thompson (USA), Ariya Jutanugarn (THA), Stacy Lewis (USA), Anna Nordqvist (SWE), Suzann Pettersen (NOR), Karine Icher (FRA), Gwladys Nocera (FRA). 


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