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France 13 – 18 Argentine :

Les Pumas, bêtes noires ressuscitées
A l’aube du 3e Millénaire, le XV de France a vu deux bêtes noires terroriser ses joueurs. Si l’une, l’équipe des All Blacks (8 victoires et 1 nul face à lui, entre 2001 et 2007), porte bien son nom et s’érige en prédateur craint par le monde entier, l’autre est alors bien moins redoutée. Ce sont les Pumas argentins _ également affublés d’un surnom adapté_ qui sèment le doute dans les rangs français. Les sept premiers matchs de ce siècle opposant l’Argentine à la France se soldent en effet par six victoires des Sud-américains contre un pénible succès des Bleus (27-26). Depuis peu cette tendance s’est sensiblement infirmée mais, ce samedi, les souvenirs des échecs du passé ont été brutalement ravivés à l’esprit de nos coqs déplumés par des félins argentins affamés.



La Coupe du Monde de rugby, c’est demain (dans 10 mois). Ce leitmotiv régit bien des discours au sein de l’univers du ballon ovale. Pourtant, difficile de s’étalonner face à la concurrence, lorsque les aléas du calendrier rendent bien des confrontations peu représentatives des véritables rapports de force qu’elles devraient mettre en exergue. Difficile de construire une identité collective lorsque les enjeux immédiats sont trop prégnants, lorsque l’on est, théoriquement, évalué sur sa capacité à rendre les lendemains meilleurs mais, réellement, jugé sur la vérité de l’instant t. C’est cette dualité entre projection future et échéances à court terme qui a rythmé le quotidien des participants à la prochaine World Cup de rugby, en cette année 2014. Parmi eux, Français et Argentins se sont offerts un tête-à-tête cadenassé dans une enceinte dyonisienne aux deux tiers occupée, en guise de dernier acte de leur saison. A l’issue de cet âpre duel, la dynamique positive des Bleus a été stoppée par un adversaire qui ne leur réussit décidément guère.
Un duel souvent révélateur

Entre 2002 et 2007 les belles performances argentines, entre autres face à la France (série précédemment évoquée, de six victoires pour une défaite) finissent par se matérialiser par une spectaculaire ascension au sein du gotha international _ qui se conjugue avec une régression française _ symbolisée par la Coupe du Monde 2007, durant laquelle l’Argentine terrasse deux fois les Bleus, chez eux, et s’invite sur le podium.  Le rééquilibrage des résultats entre les deux Nations, sur la période 2008-2014 (quatre victoires à trois pour la France, en comptant le match de samedi) correspond au retour dans le rang des Pumas. Illustration par ce graphique comparatif des places des deux Nations, en fin de saison (et à ce jour), au classement IRB (World Rugby, selon la nouvelle nomenclature) depuis son instauration en 2003.



On constate d’ailleurs que depuis son accession au Rugby Championship (communément appelé Four Nations), en 2012, l’Argentine rétrograde dans la hiérarchie mondiale. Paradoxal ? Pas tant que cela. En intégrant la caste des « grands de l’hémisphère sud » l’équipe des Pumas s’expose à voir son taux de victoires par saison considérablement chuter. Mais au-delà de ce classement la forte adversité à laquelle elle est opposée, lui permet de progresser. Cette saison, elle a ainsi remporté son premier match dans la compétition, face à l’Australie.

Pour définitivement franchir le cap qui la sépare encore des pays dominants du rugby planétaire, l’Argentine intègrera, par l’intermédiaire d’une franchise, le Super Rugby en 2016 (ce devrait également être le cas du Japon).

Cette décision augmentera certainement la défrancisation de l’effectif des Pumas, déjà relativement enclenchée (seulement quatre des quinze titulaires argentins de ce week-end défendent les couleurs de clubs hexagonaux). Malgré cette évolution, les matchs entre la France et l’Argentine restent particuliers, entre joueurs habitués à se rencontrer. Compte rendu détaillé de celui de samedi dernier :

Les Pumas posent  leurs griffes sur un début de rencontre à sens unique

1er minute : Si Pascal Papé est impérial à la réception du coup d’envoi argentin, dès le ruck suivant, le ton est donné : contest gagnant de Creevy, les Bleus sont pénalisés. Les Pumas ne ratent pas l’occasion de les sanctionner et prennent les devants, par la botte de leur ouvreur, Nicolas Sanchez (3-0, 2e min).

3e minute : Alors que les Argentins ont validé leurs premiers points, en récupérant le ballon et se dégageant jusqu’aux alentours de la ligne médiane, la première touche du match est captée par l’alignement français. Suite à un ballon porté intéressant, qui impulse le mouvement et met la défense sur les talons, les Français subissent les impacts en un-contre-un _ notamment Chouly puis Le Roux _ perdent du terrain... puis le bénéfice du ballon. L’agressivité positive des Sud-américains leur permet de dominer cette entame de match.

5e minute : D’une touche à 45 mètres de la ligne adverse, les Pumas construisent une superbe action : bons choix de jeu, passes dans le tempo et pertinente alternance groupé/déployé envoient Juan Imhoff dans l’en-but français. Mais ce dernier est poussé en touche juste avant d’aplatir, par un retour salvateur de Scott Spedding... avertissement sans frais pour une équipe de France pour l’instant spectatrice de la rencontre.

8e minute : Nouvelle initiative argentine et nouveau déséquilibre dans la défense des Bleus. Venu en cut à hauteur de son numéro 10, Juan Martin Hernandez, dont la dextérité n’est plus à prouver, voit que l’intervalle dans lequel il s’engage s’apprête à se refermer. D’une petite chistera il fait alors briller son compère du centre du terrain, Marcelo Bosch, qui perce sur 30 mètres.

Les Argentins, autant par leurs guerriers que leurs artistes, mettent à mal un XV de France apathique et, pour l’instant, dépassé par les événements.  

10e minute : Aveu d’impuissance ?  Les Français se débarrassent du ballon au pied après une possession stérile d’une minute. Pourtant, plusieurs surnombres pouvaient être exploités mais Wesley Fofana, Pascal Papé et Sébastien Vahaamahina ont pris, successivement, de mauvaises décisions, en gardant le ballon.

12e minute : Suite à un hors-jeu argentin, Camille Lopez se voit offrir une occasion rêvée de remettre les deux équipes à égalité. 40 mètres, face aux perches, une formalité ? Raté. Le score reste de 0-3. Alors qu’Hernandez rappelle à quel point son surnom d’El Mago n’est pas usurpé, les Bleus continuent de se heurter à la féroce défense sud-américaine sans réussir à la déborder.

17e minute : Deux minutes d’un jeu groupé très bien léché, avec des passes judicieuses, permettent aux argentins de placer leur ouvreur dans un fauteuil (confortable... pour lui), dans l’axe et à une quarantaine de mètres des poteaux. Contrairement à son homologue, Sanchez ne tremble pas. Drop goal limpide (6-0).

Dans le sillage de Facundo Isa, qui distribue les caramels, et de son capitaine Agustin Creevy, qui gratte de nombreux ballons et redynamise le jeu des siens, les Pumas se jettent sur tous les ballons et avancent sur chaque action. Ils prennent, non sans mal _ Bosch, blessé, et Senatore, sonné, cèdent leur place_ l’ascendant sur cette partie.

20e minute : les Français, par l’intermédiaire de Spedding, ratent l’occasion de réduire leur retard de moitié, du milieu du terrain l’arrière trouve le poteau sur une pénalité. Ce match s’avèrera d’ailleurs être, pour lui, celui des opportunités gâchées.

Des actions personnelles désordonnées face à un collectif bien huilé

Quand les initiatives françaises sont individuelles (Fofana reste un danger permanent) celles des Argentins sont très bien orchestrées collectivement. Par des leurres, ils fixent la défense tricolore avant de « jouer dans le dos » pour la contourner.

26e minute : Lorsque les Bleus atteignent les 22 mètres adverses, ils s’en voient boutés alors que les Argentins se contentent de s’en approcher, mais engrangent les pénalités. Sanchez porte le score à 9-0, de 35 mètres en coin.

27e minute : les Pumas transforment une grosse occasion française... en belle contre-attaque de leur part : Imhoff et Joaquín Tuculet jouent aux funambules en bord de touche et, un coup de pied rasant plus tard, Lopez concède la remise en jeu à 25 mètres de son en-but.

28e minute : Toujours bien structuré le jeu argentin offre à Hernandez le loisir de porter la marque à 12-0 par l’intermédiaire d’un drop.

30e minute : Alors que Creevy continue sa moisson dans les rucks et garantit ainsi à sa Nation une bonne possession du ballon, Sanchez se régale toujours dans l’exercice du jeu au pied. D’un nouveau « coup de pied tombé » il permet à l’Argentine de creuser l’écart (15-0).

32e / 33e minute : Les Français gagnent le ballon sur un renvoi « de récupération ». Ils glanent en suite une pénalité, à 30 mètres des pagelles... trois points ? Que nenni. Le score du match autant que l’orgueil poussent les Bleus à taper en touche. Un en-avant _ au sein d’un maul... c’est dire _ plus tard, les Argentins ont le bénéfice de l’introduction sur une mêlée (la première du match) à 5 mètres de leur en-but. Ils se dégagent mais, pénalisés sur une zone de ruck, reprennent immédiatement la pression.

37e minute : Lopez sanctionne enfin l’indiscipline adverse, les Bleus réduisent l’écart (3-15). Les dernières minutes de la 1ère période sont aussi vivantes que brouillonnes. Sur le gong, Yoann Huget perce le rideau défensif adverse mais échoue à 5 mètres de la ligne. S’ensuit une maladresse de Fofana, qui clôt cette première période. Quelques petites chamailleries émaillent le retour au vestiaire des deux équipes. Ce climat tendu et la perspective d’un jeu haché, jouent en faveur de l’Argentine, tranquillement installée aux commandes de la partie.

Le rythme baisse... et le temps presse pour les Bleus

41e minute : Reprise du jeu. Suite à une bonne réception, les Argentins se sont sereinement dégagés. Benjamin Kayser lobe son sauteur et Creevy plonge sur le ballon égaré... c’est sur le même refrain que s’ouvre le deuxième acte.

42e minute : Bernard Le Roux échappe la gonfle au contact et permet aux Argentins d’obtenir une mêlée intéressante à l’angle des 5 mètres français et de la ligne des 15. Les Pumas sont pénalisés, la France peut souffler. Dans la foulée, (45e minute) Sanchez rate un but lointain... le scénario du match peut-il s’inverser ? Dès la 46e minute, l’ouvreur sud-américain calme cet enthousiasme naissant, d’un drop de 30 mètres (son 3e du soir et le 4e de son équipe) (18-3).

Les échanges de coups de pied prévalent sur les grandes envolées, la rencontre perd en intensité.

51e minute : Rory Kockott, rentré à la mêlée, et Fofana se gênent, ne réceptionnent pas un ballon, par manque de communication et prouvent à quel point le jeu français est alors brouillon. Les Argentins semblent endormir une partie qu’ils contrôlent solidement.

54e minute : Kockott tente d’inscrire trois points sur pénalité, mais échoue, du milieu de terrain. C’est le troisième Bleu _ après Spedding et Lopez _ à avoir besoin de régler la mire.

56e / 58e minute : « Avantage » pour une équipe de France qui parait peu encline à en profiter autrement que par un coup de sifflet... mais l’éclair va venir d’une inspiration du duo Lopez-Huget. Le premier distille un jeu au pied millimétré, par-dessus le rideau adverse, au second qui s’en saisit. Le public se manifeste et se régale enfin ! Dans la foulée, Uini Atonio (rentré à la mi-temps) lance brillamment Guilhem Guirado dans l’intervalle et assure un déblayage musclé. L’action continue, Mathieu Bastareaud (qui supplée alors Maxime Mermoz, sorti sur saignement) permet au XV de France de poursuivre son avancée. Bernard Le Roux, Pascal Papé et Thierry Dusautoir enchaînent les passes sur un pas _ certes peu conventionnelles _ avant que Lopez et Spedding n’achèvent de décaler Huget. Ce dernier est un peu court pour conclure, il est pris à 3 mètres. La sortie est rapide. Kockott sert  Fofana au ras. Essai. Les deux maladroits des précédents instants parachèvent cette très belle action... comme un symbole de la rébellion.

Le Stade de France confirme son éveil et Lopez rajoute deux points : 10-18 (58e minute).

Le vent de la révolte souffle. L’Argentine plie mais ne rompt pas

61e minute : Alors que les Pumas ont l’occasion de reprendre rapidement le large, ils perdent le ballon dans les 22 mètres français. Les mouches auraient-elles changé d’âne ? Comme dans un copier-coller  inversé de la première période, c’est au tour des Bleus de seulement flirter avec les 22 tout en marquant des points alors que leurs opposants sont plus proches du but, mais moins réalistes.

Le pragmatisme n’est plus dans le même camp : Kockott ramène la France à cinq unités (13-18). Une timide Marseillaise est entonnée dans les travées pendant que, sur le terrain, le jeu se stabilise durant plusieurs minutes, aux alentours de la ligne médiane.

72e minute : Creevy est réprimandé par l’arbitre pour gain de temps. La rudesse du combat commence à se faire ressentir sur les organismes dans les rangs argentins.

73e minute : Bastareaud, resté sur le terrain au retour de Mermoz (Médard est sorti et Fofana passé à l’aile) sert « inté » son arrière, Spedding. Ce dernier, plaqué in extremis libère bien son ballon... seulement les français sont sévèrement (mais justement) sanctionnés par l’arbitre sur le ruck alors créé. De près de 50 mètres, Hernandez rate l’opportunité de porter l’estocade.

78e minute : Proche de la touche et du milieu de terrain, la mêlée argentine est pénalisée et d’un très beau coup de pied, Spedding offre à son talonneur un lancer dans les 22 adverses.

79e minute : c’est dans un désordre absolu que la France tente vainement de faire sauter le verrou argentin. A l’approche de la terre promise, les Bleus perdent en lucidité et s’obstinent à un pilonnage en règle trop stéréotypé. Une passe dans le contact de Talès (entré à la place de Lopez à la 70e min) permet à Mermoz de pénétrer dans les cinq mètres adverses. Le jeu rebondit, la défense prend le pas sur l’attaque, la France subit les collisions et recule sous la pression... mais obtient une, puis deux pénalités qui entretiennent le suspense.

83e minute : le frisson de l’espoir parcourt une dernière fois le public du Stade de France, lorsque l’ultime rush de Scott Spedding s’achève dans l’en-but argentin... mais la féroce défense sud-américaine ne cède pas, ceinture à tour de bras l’arrière des Bleus, l’empêche d’aplatir et réduit son initiative à néant. Coup de sifflet final, victoire de l’Argentine, 18 à 13.

« Tout ça pour ça ! » ou « Tout ça pour ... quoi ? » ?

 Pour le XV de France, les phases de conquête représentent la relative satisfaction de cette rencontre frustrante. En termes d’animation et de plan de jeu par contre, c’est la sinistrose qui prime. Au-delà de son analyse intrinsèque, cette défaite remet-elle en cause les deux premières victoires auxquelles elle succède ?

Après deux matchs de cette Tournée d’automne, du vent de fraîcheur de l’étourdi Teddy à la double reconduction de la 13e charnière de l’ « ère PSA », en passant par la découverte du bulldozer Uini Atonio, la confirmation de l’ascension tardive d’Alexandre Menini et l’éclosion d’un Dumoulin brillant, les voyants étaient aussi verdoyants... qu’ils n’offraient aucune garantie de le rester longtemps. L’accroc qui est venu clore ce triptyque ne doit pas effacer toutes les bonnes choses entrevues mais il ne peut pas non plus être totalement occulté. Il ne prend du sens que s’il est jugé à sa juste valeur. C’est une piqure de rappel : l’inconstance reste la caractéristique majeure de l’équipe de France.

Dans le rugby d’aujourd’hui, analyser l’état de santé d’une sélection à travers le prisme des Tournées peut être aussi trompeur que risqué *. A l’échelle du temps, les conclusions du jour n’ont donc qu’une faible portée. L’examen que passeront les Tricolores à l’occasion du prochain Tournoi sera bien plus révélateur de leurs carences et/ou de leurs progrès. En attendant, de cette soirée, un seul véritable enseignement à tirer : une bête noire n’est jamais vraiment enterrée.

Farvacque Simon

 

*http://yourzone.beinsports.fr/rugby-xv-france-australie-les-tournees-sont-elles-devenues-une-heresie-70754/

Sources :

http://fr.wikipedia.org/wiki/France-Nouvelle-Z%C3%A9lande_en_rugby_%C3%A0_XV

http://fr.wikipedia.org/wiki/Argentine-France_en_rugby_%C3%A0_XV

 http://www.planetrugby.com/fun-games/missing-men

http://www.worldrugby.org/rankings

http://www.rugbyrama.fr/rugby/super-15/2014/la-franchise-argentine-de-super-rugby-confirmee-pour-2016_sto4484151/story.shtml

Publié le 24/11/2014

 



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