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Lumière sur hommes de l’ombre

Lumière sur hommes de l’ombre

Dans l’imaginaire collectif, le deuxième ligne est une Force de la Nature, seulement là pour faire régner la terreur dans les rangs de ses opposants, comme l’exemple d’Olivier Merle l’ « homme et demi », l’illustre à merveille. Pourtant même dans ce rugby dont les impacts sont devenus effrayants autant que les gabarits de ses protagonistes (quasiment) tous imposants subsistent encore différents profils à chaque poste, et celui de « deuxième barre » ne fait pas exception. Du sauteur au mastodonte, du mobile coureur au monolithique stoppeur en passant par les brillants polyvalents, bien des joueurs amenés à y officier se distinguent par leur singularité. Trois des meilleurs spécimens du moment ne peuvent qu’en attester. Portraits croisés.

Dernière ligne droite. La 8e édition de la Coupe du Monde (18 septembre – 31 octobre), proéminent objectif à l’horizon de toutes les grandes Nations depuis plusieurs mois, voire année, n’est plus une lointaine finalité, elle est là, à leur portée.

Alors qu’après sept opus, les trois ogres de l’hémisphère sud cohabitent en tête du palmarès, avec deux  trophées (tandis que l’Angleterre complète le carré d’as, avec une victoire), la sélection des Wallabies s’avère être la seule parmi ce quatuor de Rois (déchus ou siégeant sur le trône) à ne pas avoir été sacrée au XXIe siècle.

Les Aussies – récents vainqueurs du Rugby Championship (communément nommé « Four Nations »), pour la deuxième fois en... quatorze ans, en triomphant d’une équipe néo-zélandaise en manque d’étanchéité défensive (27-19) – compteront, entre autre, sur la puissance de l’une des nouvelles attractions du rugby mondial pour remédier à ce constat d’échecs répétés : Will Skelton.  

Will SKELTON (AUS, 23 ans - 2m04, 148 kg), le poids lourd

Dès sa première sélection, le massif australien avait broyé l’équipe de France : marchant sur un Fulgence Ouedraogo impuissant (voir vidéo, 15-22s), renversant un Thierry Dusautoir pourtant rompu à l’abattage de colosses (35-50s) et prouvant même sa capacité à faire jouer autour de lui, quand l’adversaire s’adapte à son gabarit, en renforçant son attention à son égard (essai « offert »  à Israel Folau, autre atout indéniable des Wallabies, 1min10-1min15).

https://www.youtube.com/watch?v=1kMSsTWGsyA

Par cette belle performance, il justifiait les propos de son sélectionneur de l’époque, Ewen McKenzie, qui déclarait à son sujet, juste avant la rencontre « (il a) bien sûr un gabarit impressionnant, mais il a aussi beaucoup de coffre et est très adroit ballon en main ».

Skelton a donc rapidement concrétisé, en équipe nationale, les promesses qu’il avait laissé entrevoir en Super Rugby, avec les Waratahs (progression constante depuis la saison 2013, titre à la clé l’an passé). Depuis, il s’impose petit-à-petit comme un élément important de l’escouade australienne, comme en témoigne la prolongation de son contrat fédéral jusqu’en 2017.

Cependant, son éclosion rapide... reste relativement « tardive » à l’aune de son potentiel (une fracture du pied, en 2012, a retardé sa progression) et le contraint donc à démarrer cette RWC 2015, avec un certain déficit d’expérience (11 sélections, « seulement »). Ce qui n’est pas le cas de l’un de ses homologues, membre des Springboks, dont la précocité est encore plus impressionnante.

Eben ETZEBETH (AFS, 23 ans - 2m02, 123 kg), l’héritier

A peine plus âgé (né moins de sept mois avant lui), Eben Etzebeth compte en effet déjà 37 capes. Bestial, il présente des mensurations moins exceptionnelles, mais ô combien compatibles avec son style de jeu, résolument porté sur l’agressivité. Dans la lignée des grands « deuxième ligne » que l’Afrique du Sud a connus – la paire Victor Matfield / Bakkies Botha, aux 62 apparitions internationales, laissant une trace indélébile sur la planète ovale –  Etzebeth prend le relais.

Pour assurer le passage de témoin, Matfield, sorti de sa retraite et donc encore présent (il devrait disputer sa quatrième Coupe du Monde), est un parfait mentor. Si son goût pour le combat et son registre brutal le rapprochent plus de Botha (bien que Victor n’ait rien d’un enfant de chœur), ses qualités offensives en feront peut-être une arme encore plus destructrice dans les années à venir (comme l’illustre la vidéo ci-jointe).

https://www.youtube.com/watch?v=TRr2qaSL9M0

Les Sud-Africains, qui ont terminé sur une note catastrophique, (défaits à domicile par l’Argentine, 25-37) un Rugby Championship décevant (achevé à la 4e et dernière place) auront bien besoin d’un brillant Eben pour réussir une RWC 2015 satisfaisante... et donc nécessairement gagnante. Ambition que partage la Nouvelle-Zélande qui, comme toujours, abordera la compétition en favorite.

L’épilogue du « Four Nations » a, certes, fait perdre un peu de leur superbe aux All Blacks  – qui auront l’occasion de laver l’affront dès le 15 août prochain, lors d’une revanche face à l’Australie à l’issue de laquelle sera décernée la Bledisloe Cup (qu’ils détiennent depuis 2003) – mais ils restent les hommes à battre, les tenants du titre suprême. 

Brodie RETALLICK (NZ, 24 ans – 2m04, 121 kg), le prototype

L’une des clés de leur emprise actuelle (ils restaient sur trois victoires d’affilée en Rugby Championship et avaient notamment bouclé l’année 2013 invaincus) est leur rugby dit « total », dans lequel tous les joueurs sont dotés d’un bagage technique suffisant pour remplir des rôles différents. Une relative réversibilité des fonctions qui, quasi-constante, fait planer une menace de tous les instants sur l’adversaire. Un temps symbole de cette organisation modulable, Sam Whitelock (26 ans), dont la dextérité n’a que peu d’égal, est de plus en plus éclipsé par Brodie Retallick (avec lequel il forme un attelage redoutable), moins impressionnant d’aisance ballon en main mais encore plus mobile, le Meilleur joueur du Monde IRB 2014 est la nouvelle référence en la matière, à son poste. Premier deuxième ligne à obtenir cette distinction (décernée depuis 2001), il se distingue aux quatre coins du terrain, en tant que premier soutien, devant ou dans la défense, avec ou sans le ballon, il est partout (voir highlights). Spécialiste du « contre-ruck » (3min08), très « vite en l’air » sur les touches défensives, sûr en réception de coup d’envoi/de renvoi, capable de marquer des essais ou de réaliser des off-loads dignes d’un trois/quart centre (1min58 et 2min05), en plus d’être particulièrement dur sur l’homme et efficace au plaquage... il ajoute aux prérequis de ses missions premières, des qualités qui y apportent une plus-value certaine.

https://www.youtube.com/watch?v=bqfw__B0giA

Pour qualifier cet apport supplémentaire, Thierry Mentières (ancien joueur et entraîneur, notamment de l’Aviron Bayonnais) ne fait pas dans la demi-mesure  «Ce type, c’est une claque dans la gueule. Il est en train de créer un nouveau standard du poste.». Pour l’évaluer ? Le seul accroc néo-zélandais de l’an dernier (25-27 face au Boks) s’est déroulé en son absence, ce qui ne relève peut-être pas d’une simple coïncidence.

Du haut de ses quarante sélections et vingt-quatre printemps, il sera un élément clé de la défense de la couronne mondiale, acquise il y a quatre ans, par le Pays du long nuage blanc.

Mais aussi...

Du surpuissant (et nonchalant) samoan, Iosefa Tekori, au bûcheron canadien, Jamie Cudmore, en passant par le « vieux briscard » irlandais, Paul O’Connell, le guerrier français, Yohan Maestri, l’hyperactive tour de contrôle écossaise, Richie Gray, le rude artiste argentin, Patricio Albacete, ou encore le valeureux leader gallois, Alun Wyn Jones, d’autres n°4 ou 5 ont le potentiel pour, à leur tour et à leur façon, susciter les envolées lyriques.

Ainsi, les « deuxième ligne » restent en majorité des joueurs rugueux et besogneux, dont l’attribution principale est l’accomplissement de tâches ingrates... mais leur vice ne passe plus inaperçu, soumis à une altération certaine par la multiplication des caméras et la sévérité croissante des règlements : le « seconde latte », aujourd’hui, ne peut plus se contenter de mettre des coups de casque sur les stratèges adverses, au premier ruck venu, il se doit d’être un rugbyman plus complet.

C’est pourquoi, par le dépassement de fonction et l’excellence, par la nécessité d’enrichir leur palette de compétences, par l’évolution naturelle d’un sport qui s’ouvre au professionnalisme et à ses exigences, certains de ces hommes de l’ombre se fraient un chemin vers la lumière... chacun à leur manière.

Simon Farvacque

 

Sources :

Croisement de plusieurs données pour les mensurations, le poids des joueurs étant de plus susceptible de varier selon les phases de préparation physique.

http://www.lequipe.fr/Rugby/Actualites/Skelton-aligne-face-a-la-france/474677

http://www.lequipe.fr/Rugby/Actualites/Australie-will-skelton-prolonge-son-contrat-avec-les-wallabies/574334

https://fr.wikipedia.org/wiki/Victor_Matfield

http://www.lequipe.fr/Rugby/Actualites/La-revolution-retallick/517828

Publié le 10.08.2015 


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