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MHR : imminente réaction ou menace latente de la relégation ?


Ambitieux en début de saison et leader du championnat après trois (puis quatre) journées et une victoire historique au Stade Marcel-Michelin*, le Montpellier Hérault Rugby est, depuis, brutalement rentré dans le rang. Secoué par la mise à pied de son entraîneur, fantomatique et déjà éliminé en Coupe d’Europe, le club héraultais reste aux portes des barrages en Top 14 ... mais voit son avance sur les candidats au maintien considérablement s’amenuiser. Quel sera l’épilogue de son année ? Entre un rebond inattendu qui le relancerait dans la conquête du Bouclier de Brennus, une fin d’exercice insipide et une dangereuse plongée dans les profonds abîmes du championnat, les hypothèses ne manquent pas. Décryptage de la situation.

Une entame sur les chapeaux de roue… malgré un initial accroc

Quatre matchs, trois victoires, quatorze points, un exploit en terres auvergnates et une première place occupée au nez et à la barbe des grosses cylindrées que sont Clermont (2e) et Toulon (3e) : le panorama du début de saison montpelliérain est presque idyllique, seulement terni par une défaite inaugurale (16-19), à domicile, face au Racing Metro 92. En effet, à cet instant, début septembre, François Trinh-Duc, impérial, renforce les interrogations provoquées par ses non-sélections en Bleu, Fabien Galthié, alors incontesté, semble pertinent dans son management et ses choix sportifs, et Montpellier prend des allures de candidats au Graal hexagonal. Mais certains signaux modèrent déjà ces constats positifs.

La large victoire acquise au détriment du CO (4e j. 43-10) confirme surtout la mise en route catastrophique des Castrais tandis que celle, bien plus poussive, précédemment obtenue face à Grenoble (2ej. 20-17) laisse soupçonner une véritable fébrilité. N’est-elle qu’un rappel à l’ordre ou l’indicateur d’un mal plus profond que superficiel ?

Les semaines suivantes renforceront les arguments de la seconde option. Désillusion continentale (cinq défaites en cinq rencontres) ratio de victoires en très nette régression et retour à un classement plus modeste en Top 14 (8e, à l’heure actuelle) : l’automne du MHR ne fut pas celui de la confirmation du potentiel de ses troupes, il fut au contraire celui de l’exaltation des limites collectives dont elles font preuve. Aujourd’hui, l’heure n’est plus à l’optimisme dans l’Hérault.

Si certaines blessures (notamment celles de Trinh Duc, nous y reviendrons, et d’Anthony Tuitavake) ont joué un rôle incontestable dans ce significatif recul au sein de la hiérarchie nationale, elles n’expliquent pas tout. Pour comprendre les balbutiements de l’effectif montpelliérain, il est nécessaire de revenir sur l’identité des hommes qui le composent.

Le départ de Gorgodze, une perte à ne pas minimiser

Le Bouclier de Brennus n’a jamais posé ses valises à Montpellier et ce n’est que depuis peu que la courte histoire du MHR a sérieusement commencé à se conjuguer avec l’excellence, lorsque une génération montante et performante l’a élevé au rang d’outsider du championnat, il y a de cela quelques années.

Les quatre jeunes loups qui étaient les têtes d’affiche de cet avènement _ Julien Tomas (Stade Français), Louis Picamoles (Stade Toulousain), Fulgence Ouedraogo et François Trinh Duc _ furent alors les figures de proue d’un club héraultais en pleine ascension. Mais ce n’est pas nécessairement parmi eux que se trouve le joueur le plus emblématique de cette belle progression (menant le MHR jusqu’en finale du Top 14, en 2011).

Ce dernier pourrait bien être Mamuka Gorgodze. Or, depuis cet été, il est parti briller sur la scène déjà illuminée de la Rade _ où il vit un début de saison compliqué (émaillé de passages à l’infirmerie) mais vient d’être à la conclusion d’une très belle action collective face à l’Ullster (17 janvier) (1) _ après avoir passé neuf saisons à défendre les couleurs montpelliéraines (2005-2014).

Le colosse géorgien (1m96, 120 kg), susceptible d’évoluer au poste de 2e ligne, comme à ceux de flanker ou de numéro 8, est un guerrier infiniment précieux. Capable d’accomplir tâches ingrates et travaux de l’ombre comme de se montrer à l’aise ballon en main, il remet régulièrement son équipe dans l’avancée. Si, dans ce domaine, le MHR peut maintenant compter sur Sitaleki Timani (arrivé, non sans encombres, l’année passée), l’absence de Gorgodze, qui pesait également sur les matchs par sa simple réputation, ne peut être occultée.

Côté « gros » Montpellier n’est pas démuni pour autant : dans le rôle de perce-muraille, Alex Tulou reste une arme précieuse, alors qu’avec Robins Tchale-Watchou, par ailleurs président de Provale (2), Alexandre Bias, Nicolas Mas ou encore Thibaut Privat (respectivement âgés de 31, 33, 34 et 35 ans), les soldats aguerris ne manquent pas, dans le 8 de devant.

Certaines questions subsistent alors : Ouedraogo, du haut de ses 28 années et 36 sélections, a-t-il les épaules pour imposer son leadership à un tel pack de vieux briscards ?

Tandis qu’une autre s’impose de fait : Derrière, qu’en est-il des forces vives héraultaises ?

Une ligne de trois-quarts éclectique et séduisante…

Benoit Paillaugue et Jonathan Pellissié se partagent le temps de jeu au poste de numéro 9 (sept titularisations chacun, en Top 14) alors qu’en l’absence de Trinh Duc, à l’ouverture, Ben Lucas (son joker médical) et Enzo Selponi assurent l’intérim et ont pour mission de mettre en valeur des coéquipiers… qui n’en manquent pas.

En effet, a priori, le casting des arrières montpelliérains a de quoi ravir ses plus fervents supporters. Avec notamment Anthony Tuitavake (6 capes avec les All Blacks) Wynand Olivier (37 sélections, et un titre de champion du monde en 2007, avec l’Afrique du Sud), Benjamin Fall (international français à 6 reprises), des jeunes joueurs prometteurs, ainsi que Rene Ranger (lui aussi à créditer de 6 matchs avec le XV de la fougère argentée) et Timoci Nagusa (21 rencontres avec les Fidji, meilleur marqueur du Top 14 en 2011/2012).

Ces deux derniers, fusées habituées aux longues chevauchées (Nagusa l’a encore prouvé face à l’équipe de France en novembre) imposent une contrepartie à leur créativité. Si l’on peut attendre d’eux monts et merveilles, la frontière reste ténue entre démons et merveilles et ce sont autant leurs errances que leurs fulgurances qui font état de leur présence. Sans les accuser de flirter avec les astres de l’enfer, force est de constater que leur nonchalant talent cause autant de dégâts dans leurs propres rangs, qu’il permet d’en faire subir à leurs adversaires. Ainsi, bien qu’ils soient aussi véloces que spectaculaires, l’irrégularité de leur investissement _ sans ballon _ pose de réels problèmes défensifs à Montpellier. Problèmes que leur capacité à (dé)poser plusieurs joueurs _ lorsqu’ils l’ont en leur possession _ ne peut pas toujours compenser.

Un exemple de ces manques de rigueur se veut criant des maux qu’ils peuvent causer.

… mais dont les approximations sont la rançon des exploits

Lors de la réception de Brive (7 novembre), ponctuée d’un cuisant échec (10-25) _ quatrième opus d’une terrible série de sept défaites d’affilée, toutes compétitions confondues _ après seulement quatre minutes de jeu, et alors que le score est encore nul et vierge, Ranger monte en pointe pour couper court à l’attaque adverse, tentant de « fermer les extérieurs », alors que la situation ne nécessite aucunement une telle initiative personnelle. Il permet, par cette mauvaise lecture, à Nicolas Bézy d’éliminer trois défenseurs (dont lui) en une seule passe sautée. Passe sautée qui conduit Benito Masilevu, son supersonique ailier, à défier et éliminer Benjamin Fall, dont le cadrage défensif approximatif lui vaut de ne pas être (non plus) exempt de tout reproche. La course du serial marqueur des Coujoux s’achève entre les perches par un essai qui signe le début du calvaire héraultais. Illustration en images (voir vidéo):

www.youtube.com/watch
 

C’est pourtant paradoxalement par des nombres de points marqués (307, 12e « attaque » sur 14) et encaissés (303, 3e « défense » sur 14) tous deux assez faibles que se traduit la saison pour l’instant moyenne du MHR (alors que l’inverse eut été possible, voire plus logique, au regard des caractéristiques de ses imprévisibles dévoreurs d’espaces).

Ces statistiques n’ont d’ailleurs rien de dramatique et ne nécessitent pas de décréter le branle-bas de combat général…. Mais le timing des événements qui ont précédé la période noire dans laquelle le revers à l’instant évoqué s’inscrit, est un indicateur plus précis des ennuis rencontrés par le club montpelliérain et un meilleur prisme d’analyse des problèmes de gouvernance qu’il rencontre actuellement.

L’imbroglio Galthié. Quid de l’électrochoc espéré ?

En effet, le 11 octobre, alors que son équipe est alors très bien placée dans la course aux phases finales (4e), Fabien Galthié n’assiste pas à sa victoire 25-9 face à Oyonnax. Raison avancée ? Un court séjour au Brésil, pour fêter les 80 ans de Serge Kampf, historique mécène du rugby français. Dans les médias, cet événement qui aurait pu rester anecdotique, prend rapidement de l’ampleur. Bernard Laporte se positionne ainsi clairement sur le sujet et stigmatise ouvertement son collègue, et ex-joueur, au miro d’RMC : « Tout ça est malsain. Sa place était certainement auprès de son équipe et pas là-bas […] il y est allé car il y avait les décideurs du rugby français. Il a envie de remplacer Saint-André. Il faut dire les choses comme elles sont. ».

L’implication de Galthié, qui se fend déjà d’une deuxième activité (consultant pour France Tv), sur le projet à moyen, voire long terme de Montpellier est de plus en plus remise en cause. Conséquence ou simple circonstance amplifiante du malaise naissant… quelques semaines plus tard, le MHR traverse sa fameuse crise sportive. Crise dont Mario Ledesma (entraîneur des avants) ne sort pas indemne : il est limogé mi-novembre.

Le coach français, dont la position est d’autant plus fragilisée, reçoit quant à lui, à Noël, un véritable cadeau empoisonné. En effet, Jake White (qui avait mené les Springboks sur le toit du monde en 2007) arrive à Montpellier, le 25 décembre, en tant que « consultant » … Seulement ?

Trêve de plaisanteries, avant même que la trêve des confiseurs ne soit finie, Galthié est déjà poussé vers la sortie. Il est mis à pied à titre conservatoire, le 29 décembre, par Mohed Altrad, son président.

Une semaine plus tard, la sentence est reconduite. Le divorce est consommé. Entre les différentes parties, les véritables questions demeurent maintenant juridiques (procédure de licenciement ou « maquillage » de cette rupture par un changement de poste en interne ?) le contrat qui les lie jusqu’en 2017 représentant un certain enjeu financier.

Dans les faits, les commandes sont bel et bien confiées au technicien sud-africain. Si ce dernier débute par une victoire de prestige face à Toulon (16-12) il déclenche également une micro-polémique, par une déclaration en conférence de presse « Jouer à Montauban devant cinq personnes et un chien, ça ne m'intéresse pas. » avant de subir une sèche défaite, 20-13, à Oyonnax (décidément au cœur des péripéties montpelliéraines) pour le plus grand plaisir de Silvère Tian (auteur de deux essais) : « On lui a montré l'humilité. J'espère que cela lui servira de leçon...»

Qu’elle lui apprenne ou non l’humilité, sa maladresse s’avère savoureuse, sachant qu’une certaine déficience dans le volet communicationnel était l’un des arguments plaidant en la défaveur de Galthié, aux yeux d’Altrad («Je lui reproche sa communication. Ces dernières semaines, ces derniers mois, elle n’était pas appropriée à notre situation. »).

L’exemple du XV de France : les bienfaits de la dissidence ? Prudence.

Au-delà des paroles maladroites devant les micros, comment le message de White sera-t-il perçu par les joueurs ? Dans ce climat d’incertitude, ces derniers ne doivent-ils pas, avant tout, se responsabiliser et retrouver le niveau qui fut le leur il y a quelques semaines, mois ou années ?

En effet, sans faire l’apologie de l’autogestion, il est possible d’envisager qu’une révolte collective émerge de cette situation particulière, puisant sa force dans la frustration que cette dernière peut provoquer chez les joueurs montpelliérains, construisant son essence dans leur orgueil et faisant appel à leur honneur.

A l’occasion du Mondial 2011, sur le sol néo-zélandais, c’était même sur la base d’un conflit ouvert entre leaders du groupe et entraîneur (3) que s’était créée et entretenue la dynamique qui amena les Bleus jusqu’en finale (perdue 8-7, face à l’hôte de la compétition).

Seulement, dans le cadre d’une sélection nationale, sur une compétition ponctuelle où les membres d’une équipe, vivant quasiment en vase clos, peuvent se fédérer autour d’un objectif à court terme, la tâche de sa conduite en autonomie parait plus aisée qu’elle pourrait l’être dans le cas présent : au sein d’un club et décrétée en pleine saison.

Le réveil du club héraultais passera donc sans doute par une bonne adaptation mutuelle, entre le nouveau staff et les joueurs. Si ce réveil ne s’effectue pas, il pourrait amener le MHR à poursuivre son sommeil en Pro D2, à l’étage inférieur. Cette hypothèse parait, de prime abord, particulièrement alarmiste, voire incongrue, mais invoquer l’histoire récente du Top 14 suffit à lui faire prendre de l’épaisseur.

Des temps de passage et des aléas, aux airs de funeste destinée ?

En effet, après 16 journées de championnat, Montpellier compte 35 points, soit le même total que l’USAP la saison passée, avec autant de matchs disputés… et Perpignan œuvre actuellement dans l’antichambre de l’élite. Autre caractéristique commune aux déboires vécus par les deux clubs, à un an d’intervalle : le fait qu’ils reposent, en partie, sur l’absence forcée des garants de leur stratégie.

Ainsi, en Top 14, le MHR était à créditer de 67 % de victoires par rencontres (6/9), avant la blessure de Trinh Duc... depuis celle-ci, il n’a remporté que deux matchs de championnat sur sept (soit 29%) _ le différentiel est vertigineux _ alors, que la saison dernière, l’USAP avait également souffert de l’indisponibilité de Camille Lopez, son ouvreur international (maintenant clermontois).

La principale différence entre ces deux cas résidant dans l’importance et la durée de l’absence de Lopez, moins significative dans le déclin usapiste (46% de succès avant, 31% après) et indissociable de celle de Sofiane Guitoune (autre grand artisan des débuts convaincants des catalans), mais plus longue (de décembre 2013 à son départ cet été, alors qu’un retour du numéro 10 montpelliérain est espéré courant février).

En plus de ce parallélisme qui relève plus de la superstition, les données brutes peuvent pousser les Montpelliérains à la méfiance. Ainsi, alors qu’hier (9e journée) ils comptaient neuf rangs et douze points d’avance sur le 13e, et premier relégable virtuel, ils ne jouissent plus, aujourd’hui, que d’un matelas de cinq places et sept unités, pour rester à honnête distance de ce même statut d’avant-dernier.

Mais les mathématiques pouvant également venir à la rescousse des plus optimistes de leurs supporters _ ils ne sont qu’à 3 points du dernier strapontin (6e) permettant de rêver au sacre de juin _ il parait peu aisé de se prononcer sur leur destin.

Multiples scénarios pour la fin de saison… prime à l’interrogation.

Le retour de François Trinh Duc pourrait se montrer décisif, positivement, dans la tournure que vont bientôt prendre les événements, tout comme la capacité qu’aura l’effectif héraultais à surfer sur la dynamique du changement … mais l’état de forme de son ouvreur ainsi que les éventuelles difficultés d’assimilation d’un nouveau projet de jeu sont tout autant de menaces qui peuvent également le guetter. De plus, les éléments extérieurs que peuvent être les impasses réalisées par certains clubs en fin de parcours, à l’approche de l’heure de vérité, ainsi que la valeur des oppositions qui seront proposées au MHR _ son calendrier (équilibré, tant sur le niveau présumé des équipes lui restant à

affronter, qu’en terme de rapport réceptions/déplacements) n’offrant que peu d’indication à ce sujet _ ajoutent leur imprévisibilité à l’incertitude qui plane sur l’Hérault.

Une chose est sûre : entre crainte nouvelle et ambition persistante, luttes intestines et potentiel certain, c’est en pointillés que s’inscrit l’avenir proche des Montpelliérains.

Simon Farvacque

*22-21 contre l’ASM Clermont Auvergne, alors invaincue sur ses terres, en match de saison régulière, depuis le 21/11/2009 et une défaite face au Biarritz Olympique (13-16).
(1) https://www.youtube.com/watch?v=ebcJLSrYlKc
(2) http://www.rugbyrama.fr/rugby/top-14/2014-2015/robins-tchale-watchou-elu-president-de-provale_sto4429453/story.shtml
(3) http://www.lemonde.fr/sport/article/2011/10/16/coupe-du-monde-de-rugby-lievremont-et-les-sales-gosses_1588615_3242.html

Autres sources :
http://www.lnr.fr/classement-top-14-2013-2014.html http://rmcsport.bfmtv.com/rugby/galthie-eteint-la-polemique-840218.html
http://www.lequipe.fr/Rugby/Actualites/Jake-white-a-montpellier/524272 http://www.rugby365.fr/infos-clubs/montpellier/montpellier-altrad-je-reproche-a-galthie-sa-communication-1195906.shtml http://www.lequipe.fr/Rugby/Actualites/Galthie-mis-a-pied/524792

Publié le 22/01/2015



 

 



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