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Sporthinker
Un rendez-vous hebdomadaire pour tous les passionnés de sport.

Retours aux sources

Retours aux sources

Régis par des normes et règlements destinés à garantir leur équité (idéalement), leur
intérêt compétitif et leur attractivité : les sports ne cessent d’évoluer.
De la simple anecdote à l’élément déclencheur, en passant par des actes
fondateurs, et avec les Jeux Olympiques pour fil conducteur :
florilèges d’instantanés
du passé.

 
A chacun son Histoire. Quatre sports collectifs, quatre immersions dans une réalité devenue caduque, quatre récits qui ont été porteurs de leur développement, à l’échelle mondiale (globalement), en France (particulièrement) ou vis-à-vis de l’Olympe. Ce voyage temporel commence par un plongeon dans le Paris des années -20.
Waterpolo : l’ex-Étoile du Nord du sport français
1924, septième Jeux Olympiques modernes (ou huitième, si les Jeux « intercalaires » de 1906, marquant les dix ans de la rénovation du mythe, sont comptabilisés) : Paris devient la première cité (ou deuxième, après Athènes, selon le positionnement de chacun au sujet de cette même question) à accueillir une deuxième fois le rendez-vous planétaire et quadriennal du sport.
La France, qui organise également cette année-là la première version « d’hiver » de ce mythe en rénovation que sont les Jeux Olympiques, court toujours après sa première médaille d'or dans un sport collectif (les sports collectifs étant d’ailleurs très peu présents dans les programmes de l’époque).
Les équipes du Royaume-Uni sont pour l’instant les seules maîtresses du globe – water-polo (le titre ne leur échappant qu’en 1904, lors d’une compétition non significative entre trois sélections américaines, et leur revenant en 1900, 1908, 1912 et 1920). Or, aucune n’est alignée dans le tournoi de 1924. Occasion rêvée pour la Belgique (toujours présente sur le podium lors des quatre sacres britanniques), occasion saisie par la France. Les Bleus battent leurs voisins en finale (3-0), à l’issue d’une rencontre spectaculaire et disputée dans un bon état d’esprit, ce qui tranche radicalement avec le dernier acte de 1920, joué dans une ambiance délétère.
L’effectif de pionniers français compte sept joueurs : deux défendent habituellement les couleurs du club de la Libellule de Paris, cinq celles des Enfants de Neptune (Tourcoing). Cette composition (comme les bonnes performances belges et britanniques, dans ce sport) illustre le cheminement géo-sociologique du water-polo (inventé par les Anglais, codifié par un Écossais) et son développement dans l’Hexagone. Cependant, si elle9+56+
 a conquis la Gaule par ses régions septentrionales (Lille, Paris, Tourcoing et Strasbourg trustant tous les titres nationaux entre 1896 et 1964), cette joute aquatique, et ses pôles d’excellence, se sont délocalisés vers le sud, au fil du temps (Marseille, Nice et, plus rarement, Montpellier se partageant quarante-huit des quarante-neuf couronnes attribuées depuis 1965). Un temps qui a paru bien long à la France, à l’heure de lorgner sur une deuxième consécration olympique conjuguée avec esprit d’équipe.
Après ce premier succès, les délégations françaises attendront en effet soixante ans pour décrocher de nouveau un titre olympique dans un sport collectif (le football, en 1984, permettant de rompre cette série d’échecs).
Pourtant, avant-même ce grand écart entre les époques, les Bleus avaient déjà témoigné de leur force aux yeux du monde, remportant le tournoi d’un sport alors « en démonstration », en 1900 : le rugby.
Rugby : la légendaire inspiration de William Webb Ellis
Au diable le conformisme. En 1823, un élève de la Rugby School, participe à une rencontre de ce qui est alors un gagne terrain violent, père du football et du rugby, sports qui n’ont pas encore réussi à se distinguer pour vivre séparément leur vie. Assez rudimentaire, ce jeu consiste à taper dans tout ce qui bouge. Les tibias adverses (« hacking ») mais, aussi, le ballon (« kicking game »), avec pour but de l’envoyer au fin fond du camp adverse. Pourquoi donc ne pas se charger soi-même de l’y conduire, plutôt que d’y coller un grand coup de godasse ?
Réflexion faite (ou omise, peut-être, là est toute la subtilité), William Webb Ellis se saisit de la gonfle et remonte le terrain. Par cet acte, au-delà de la surprise (et des éclats de rire ?) qu’il provoque chez ses partenaires et opposants, il symbolise le besoin de dissociation entre deux disciplines qui tentent de voir le jour. Ainsi, plus tard, la Football Association (1864) et la Rugby Football Union (1871) naîtront en Angleterre, et permettront au « foot » et au « rugby » de se séparer plus nettement.
Les deux pratiques seront codifiées, le rugby à XV reposant notamment sur un socle clair : le noyau central du règlement et ses quatre piliers1, autour duquel plusieurs précisions ou ajustements peuvent se greffer, sans qu’il ne soit lui-même modifié. Elles emprunteront des parcours différents, le football s’ouvrant au professionnalisme (officiel) avec une avance non négligeable (légalisé en 1885, en Grande-Bretagne, contre 1995 pour le ballon ovale) et le rugby cultivant son particularisme, en tant que « sport de combat collectif » qui nécessite un fort engagement et une grande cohésion. Pierre Villepreux exprime ainsi cette notion d’union, d’unité : « dans une équipe de rugby, il n’y a pas de passagers, il n’y a qu’un équipage ».
Le mythe de la folle chevauchée William Webb Ellis (dont le nom est resté ancré dans l’ADN du rugby et gravé en sa surface, via l’appellation du Trophée de Champion du monde) laisse place aux interprétations, à l’imagination. Quelle part de vrai, quelle part de faux ? Chacun est libre de se faire son opinion, sur ce récit sportif symbolique, sans que cela n’engendre de conséquences importantes. Parfois, garder un état d’esprit éveillé, est un enjeu bien plus prégnant, face au risque d’endoctrinement.
Handball : un premier rendez-vous raté avec l’Olympe
Propagande. Les Jeux de 1936, sont l’un des exemples les plus marquants de l’instrumentalisation du sport à des fins politiques, de la plus détestable des aliénations de son pouvoir d’attraction. Vitrine sur le monde, cette rencontre des plus grands athlètes du globe se veut, en cette année, être le théâtre d’expression de la surpuissance de l’Allemagne nazie d’Adolf Hitler. L’ogre germanique, dont les aspirations hégémoniques ne tarderont pas à devenir bien plus dramatique, répond à la suggestion du CIO et instaure ponctuellement une discipline, en tant qu’hôte : le handball.
Face à cette pratique « étonnante » (inventée en 1919 par le professeur Carl Schellenz, le handball se pratique alors à onze contre onze, sur gazon), la sphère sportive est perplexe.
Ce scepticisme ambiant se ressent dans les propos du journaliste français Robert Perrier – que l’on peut difficilement qualifier d’ennemi intime du Troisième Reich (il sera condamné aux travaux forcés à perpétué pour « acte de collaboration » en avril 1945) : « C’est un sport hybride, fils de tous les sports. C’est un ‘’ersatz’’, un produit de tous les schismes que l’on peut imaginer. Allez vous-y retrouver ! ».
La compétition est à la hauteur de ce qu’elle promettait. Une mascarade. Les Etats-Unis font de la figuration (29-1), la Hongrie oppose à peine plus de résistance (22-0 puis 19-6), la Suisse limite les dégâts (16-6) et l’Autriche offre une finale (plus ou moins) digne de ce nom (10-6) : l’Allemagne glane le titre qu’elle avait décidé de s’octroyer.
Face à ce récital peu mis en valeur par l’incompétence de l’adversité, Perrier, pour le journal « L’Auto », se montre guère convaincu par les chances d’un tel sport, de conquérir le cœur des français : « Je ne pense pas que ce sport plairait en France. Il n’est pas assez viril. ». Coquasse a posteriori
Depuis, le handball a changé (en salle, à sept contre sept), s’est créé une vraie identité propre et fait les grandes heures des Jeux Olympiques, d’abord porté par la domination de l’Europe de l’Est, hier, puis par celle de… la France, aujourd’hui (double Championne en titre).
D’un parquet à un autre, avec le dribble pour trait d’union, un autre sport de ballon a su générer une dynamique mondiale, se faisant une place de choix dans le grand livre de l’olympisme, qui lui a concomitamment au handball ouvert ses pages.
Basket-ball : en attendant des jours meilleurs
S’il savait. S’il savait qu’il était en train d’ « enfanter » Wilt Chamberlain, Magic Johnson, Michael Jordan etc. James Naismith aurait trouvé l’instant (encore !) plus solennel, lorsqu’en une nuit de décembre 1891, il a couché sur papier les bases du basket-ball.*
Quarante-cinq ans plus tard, en ce jour de 1936, il contemple son œuvre, l’émanation de ses heures de réflexion. Certes, le spectacle n’a rien de folichon (19-8 pour les Etats-Unis), mais cette première finale olympique qui voit s’opposer les deux pays dont il a la nationalité (il est Américano-Canadien) est, en elle-même, porteuse d’émotion.
Naismith (né en 1861), intellectuel jusqu’au-boutiste, admet alors un rôle passif : il ne fera que remettre la médaille au vainqueur, en tant que président honoraire de la Fédération internationale de basket-ball amateur, après avoir endossé celui d’acteur majeur (d’abord méconnu) dans la naissance de ce sport.
Ainsi, en 1891, il est professeur d’anatomie dans un collège de Springfield (Massachussetts), quand il se penche sur un problème (loin de concerner les cinq anneaux représentant des continents, pour l’instant…) : comment faire pratiquer une activité physique, et ludique, à ses élèves, durant l’hiver ?
« Mes directeurs me demandèrent de ‘’trouver quelque chose’’ pour amuser nos élèves pendant la mauvaise saison » déclarera-t-il plus tard. Avec pour objectif de faire primer l’adresse et la science du jeu sur la violence et la puissance (un des leitmotiv de celui qui aura également été à l’origine du port du casque dans le football américain), il bute pendant quinze jours sur cette quête d’idéal : « Pendant deux semaines, j’ai cherché. Eh puis, en une nuit, j’ai trouvé ! ». D’une traite, il « écrit les treize règles fondamentales du basket. C’était gagné ! », et, dès le lendemain, les met en pratique.
Les enfants adoptent ce jeu, se l’approprient, (essayant de tricher en grimpant sur la rampe qui servait de soutien au panier) et permettent ainsi de l’améliorer (le panneau est, en réponse, rapidement installé). Le succès est total : avant même la fin de l’année, la première rencontre officielle a lieu. La « mauvaise saison » dure depuis plus d’un siècle.
En tout instituteur, professeur de sport ou autre éducateur, sommeille peut-être une discipline qui, un jour, fera vibrer la planète, suscitera un engouement médiatique immense et brassera des millions.
Rendez-vous dans dix, quinze, vingt ou cent ans, pour décrire l’émergence de cette pratique encore inconnue, et évoquer la natation sans combinaison, le football sans arbitrage vidéo, le tennis à ciel ouvert, le cyclisme sans traceurs GPS, comme des instantanés du passé.
Simon Farvacque
*http://basket-infos.com/2015/01/15/il-y-a-123-ans-james-naismith-definissait-officiellement-les-13-regles-originelles-du-basket/
1 Présence de deux zones de marque (en-but, poteaux), règle du tenu (un joueur amené au sol et ceinturé ne peut disputer le ballon), règle du hors-jeu (nécessité d’être derrière son coéquipier porteur de balle, incluant l’interdiction de la passe en avant) et droits et devoirsdes joueurs (certaine liberté offerte aux défenseurs, illustrée par le plaquage, en vertu de l’étendue des zones de marque).  
Sources :
Petites histoires du 100 mètres et autres disciplines olympiques (2012),par Etienne Bonamy et Gérard Schaller, aux éditions Hugo Sport
http://www.rugby-nomades.qc.ca/en-1823-william-webb-ellis-invente-le-rugby-sans-le-savoir/
Publié le 09/11/2015



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