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Spartacus - Tommeke : dernier acte

Si Tom Boonen ne s'est pas prononcé quant à la suite de sa carrière, Fabian Cancellara, lui, a tranché : il dispute sa dernière saison. Tous deux âgés de 35 ans ils s'affrontent depuis plus d'une décennie sur les Classiques printanières, notamment sur les pavés et particulièrement sur les deux Monuments que sont le Tour des Flandres et Paris-Roubaix. A l'aube de l'épilogue d'un duel - parfois à distance, parfois au corps-à-corps - qui aura marqué le début du siècle, le Suisse fait forte impression, tandis que le Belge se montre discret, incapable de peser sur la course. 

GP E3 en 2007 (victoire de Boonen, devant Cancellara. Son quatrième succès consécutif sur cette épreuve).

Au pied de la boîte. Quatrième de l'édition 2016, remportée ce dimanche par Peter Sagan, Fabian Cancellara ne montera donc jamais sur le podium de Gand-Wevelgem. Mais au-delà du résultat (son meilleur sur cette classique depuis onze ans - quatrième en 2005, déjà), Spartacus a fait forte impression. L'avant-veille, il avait déjà réalisé un énorme comeback sur le GP E3 Harelbeke (distancé après un problème mécanique), achevé à la même place : en trois jours, il a rappelé, à tous, qu'il était encore une redoutable machine à rouler et un habile dompteur de pavés. 

Des pavés sur lesquels, jadis, Tom Boonen volait, mais se montre bien moins aérien aujourd'hui. Tornado Tom, n'a pas encore levé les bras cette saison (quatre succès pour Cance') et il envoie peu de signaux encourageants à ses admirateurs. Il semble empêtré dans le jeu d'équipe d'une formation Etixx - Quick Step en pleine tourmente - aucun "Top 5" après trois Classiques estampillées World Tour* - qui ne cesse de prouver à quel point abondance de biens peut nuire. Surtout, Tommeke paraît loin d'être en mesure de faire la différence "à la pédale". 

Quand Sagan, Cancellara et Vanmarcke ont forcé la décision dans la dernière ascension du Mont Kemmel, dimanche, ce sont Matteo Trentin et, plus encore, Zdenek Stybar qui ont failli leur emboîter le pas. Boonen se contentant de suivre le rythme de la quinzaine de membres qui constituaient le premier "peloton", incapable de faire mieux. Son équipe ne fait pas preuve de la force collective susceptible de le porter au sommet, et ses piètres performances sont une cause, autant qu'une conséquence, de cette spirale négative. Mais avec un tel passé et un tel escadron (Terpstra, Stybar, Trentin, Vandenbergh), Etixx - Quick Step, revancharde, ne peut aborder le Tour des Flandres qu'avec ambition. 

Tom pourra-t-il répondre à l'ultime défi que Fabian lui lance ? L'opposition entre les deux hommes, emblématiques coursiers, mérite de finir en apothéose. Retour sur plus de dix ans de rivalité, à travers le prisme du Ronde et de l'Enfer du Nord. 
Destins entrelacés 
Ils y comptent dix podiums chacun (cumul des deux Monuments) mais n'y sont montés que trois fois conjointement (d'autant plus qu'en 2006, Boonen a acquis sa 2e place dans des circonstances particulières sur Paris-Roubaix voir suite) : leur mano-a-mano est fait de passations de pouvoir provisoires plus que d'affrontements directs. Tableau ci-dessous.


Avec trois titres sur le Tour des Flandres, ils co-détiennent le record de victoires (avec Achiel Buysse, Fiorenzo Magni, Eric Leman et Johan Museeuw) et avec, respectivement, quatre et trois sacres à Roubaix, ils peuvent aussi candidater au panthéon (Boonen, au coude-à-coude avec Roger De Vlaeminck, veut le distancer ; Cancellara, dans leur roue, veut les rejoindre). Dans cette course contre les Légendes d'Antan, Tommeke avait pris de l'avance sur Spartacus.
2002-2004 : pas encore en concurrence 
Dès l'année 2002, Tom Boonen, jeune Flamand de 21 ans fait une entrée fracassante dans le gotha des chasseurs de Classiques pavées. Septième de Gand-Wevelgem, il monte même sur le podium de Paris-Roubaix (3e). Membre de l'équipe US Postal, il ne tarde pas à être recruté par Quick Step - Davitamon, héritière de la grande Mapei... dont Fabian Cancellara aura défendu les couleurs durant trois ans (2000-2002), en tant que prometteur spécialiste du contre-la-montre. 

En 2003, la tendance de leurs spécialisations respectives se confirme. Boonen enchaîne, en "sprinteur-Flandrien" (podium sur GW, étape sur le Tour de Belgique) alors que Cance', passé chez Fassa Bortolo, fait fructifier son appétence pour les chronos (prologues des tours de Romandie et de Suisse, CLM du... Tour de Belgique, justement). C'est en 2004 qu'il réalise sa première grande performance dans une Classique : 4e de Paris-Roubaix dans le même temps que le vainqueur, Magnus Backstedt, alors que Tommeke se contente de la 9e place (à 29 secondes). Les deux jeunes loups de 23 ans, se distinguent dans un top 10 d'hommes expérimentés (29 ans ou plus pour les autres, dont Van Petegem, Museeuw, Hincapie), et pour les voir s'expliquer, il faudra patienter. 

2005 : l'année-Boonen 

En effet, la saison suivante, Tom Boonen va régner sans conteste ; il réalise l'inédit triplé : Tour des Flandres - Paris-Roubaix - Championnat du Monde sur route. De son côté, Fabian Cancellara, pour sa dernière saison à la Fassa Bortolo continue de briller dans l'effort solitaire (3e des Mondiaux, et victoires sur deux chronos, en plus d'une étape en ligne sur Paris-Nice), mais stagne dans l'exercice des Classiques (4e sur GW et 8e à Roubaix). Plus pour longtemps.

En 2006, tandis que Boonen reste dominateur sur le Ronde, Spartacus (CSC) écrase l'Enfer du Nord de toute sa classe. Sur cette course, le tenant du titre ne coupe la ligne qu'en 5e position, mais hérite du statut de dauphin après déclassement de trois rivaux. Van Petegem, Gusev et Hoste ont franchi un passage à niveau dont les barrières étaient abaissées et ont été disqualifiés. Si le tableau d'affichage final suggère donc une lutte entre Cancellara et Boonen, celle-ci n'est que relative. Lors de Paris-Roubaix comme lors duTour des Flandres (que le Suisse avait terminé 6e) : les deux hommes sont séparés par plus d'une minute. C'est le début d'une rivalité en pointillé. 

2007-2009 : Boonen prend le dessus, surtout à Roubaix 

Durant trois saisons, ils restent en retrait sur le Ronde (aucun top 10) et plus à l'aise en terres françaises. Mais dans les deux cas de figure, Tom Boonen devance Fabian Cancellara (sur les six Monuments pavés disputés durant la période). Il triomphe notamment de l'Enfer du Nord pour les deux et troisième fois (2008 et 2009). Son adversaire suisse n'a tutoyé la victoire qu'en 2008, battu dans un sprint à trois auquel Alessandro Ballan participe également, totalement impuissant face à la vélocité du Belge (qui gagne avec une seconde d'avance, voir vidéo ci-jointe).

En 2009, hors de forme et malchanceux, il est insignifiant sur ces deux épreuves. Spartacus, gladiateur des temps modernes, aurait-il renoncé à devenir roi de l'arène des pavés ? Que nenni

2010 : Cancellara, intouchable et controversé 

Au contraire, il va la conquérir de manière spectaculaire. Sur le Tour des Flandes, il s'échappe en compagnie de... Boonen, à 44km de l'arrivée, puis le dépose dans le Mur de Grammont, à 16 km du but (vidéo ci-dessous). L'écart grandit irrémédiablement et Cancellara coupe la ligne avec 1min15 d'avance sur Tommeke. 

Une semaine plus tard, sa démonstration est encore plus impressionnante. Sur Paris-Roubaix, il écrase le peloton dans des proportions à peine croyables. Sa chevauchée solitaire de 49km (il sera accompagné de quelques coureurs échappés au préalable, sans que cela n'ait la moindre incidence sur la course) est magistrale. Il gagne avec deux minutes d'avance sur Hushovd et Flecha, plus de trois sur Hammond et Boonen, impuissant. 

Le démarrage qu'a placé Cance' ce jour-là créera une polémique qui, aujourd'hui encore, perdure. Son accélération ne semblant accompagnée ni d'un changement de braquet flagrant, ni d'une modification de sa fréquence de pédalage (voir à 2min10), elle suscite la curiosité et les soupçons de dopage mécanique (moteur dans le cadre du vélo). Ces soupçons, alimentés par son ascension supersonique du Mur de Grammont quelques jours auparavant et par son changement de machine lors de Paris-Roubaix, resteront sans doute gravés dans le marbre. Indissociables de ce doublé majestueux qui, en l'absence d'une quelconque preuve et au-delà de toute accusation non-étayée par un nouvel élément, indubitable, s'avère être un exploit phénoménal.  

2011 : année des outsiders - 2012-2013 : rendez-vous manqués 

Un exploit qu'il ne répète pas en 2011, en leader de la nouvelle équipe Leopard-Trek. Boonen (4e) et lui (3e) sont piégés par un Nick Nuyens opportuniste sur le Tour des Flandres. Sylvain Chavanel, hésitant à l'heure de jouer sa carte personnelle, se contente de la deuxième place. Puis, à Roubaix, Tom abandonne et Fabian (2e) tombe sur un os. En poursuite durant toute la fin de course, débridée, il reprend un à un les coureurs qui avaient anticipé, sauf Johan Vansummeren qui ne remporte que la troisième victoire de sa carrière... mais quelle victoire!

En 2012 et 2013, les deux favoris reprennent les choses en main. Mais chacun leur tour, sans pouvoir se contester cette hégémonie retrouvée. Dans un premier temps, c'est Boonen qui vole (quadruplé GP E3 - GW - Tour des Flandres - PR en 2012), pendant que Cancellara chute sur le Ronde et ne participe même pas à Paris-Roubaix, puis l'inverse se produit. L'année 2013 voit Spartacus signer un triplé : E3 en plus des deux Monuments qu'avait glanés Tommeke. Pendant que ce dernier abandonne sur le Tour des Flandres (décidément) et ne peut s'aligner sur l'Enfer du Nord, Cancellara dompte Sagan puis Vanmarcke, encore trop tendres pour le devancer. Ces récitals laissent un goût d'inachevé. Est-ce en 2014 que Tornado Tom et Cance', au top, ont pu se départager ?

2014 : Boonen en perte de vitesse - 2015 : page blanche 

Non, car si Cancellara a bien "marché" (1er et 3e), Boonen a déçu (7e et 10e), se contentant de suivre sans pouvoir influer sur le résultat (c'est cependant Terpstra, son coéquipier, qui a triomphé à Roubaix). Ce léger déclin n'a pas eu à se confirmer/ou non, en 2015. Cette fois ce sont les deux ténors qui manquent à l'appel, blessés, et ne peuvent que constater qu'Alexander Kristoff (Tour des Flandres) et John Degenkolb (Paris-Roubaix) ne sont, définitivement, pas que de simples sprinteurs. 

Cancellara et Boonen, souvent souverains sur les Classiques du nord, se sont passés le sceptre successivement, pendant plus de dix ans, en ne réussissant à se le disputer que trop rarement. Le dernier round de leur duel au long cours sera-t-il aussi spectaculaire qu'espéré ? Alors que Spartacus semble en parfaite condition, Tommeke inquiète. Les deux hommes ne partagent pas le statut de favori avant le Ronde, dimanche (3 avril 2016). C'est le Champion du Monde en titre qui semble le plus à-même de tenir tête à la machine suisse. 
La relève à maturité ? 
Boonen en est fan, Cancellara moins. Peter Sagan débarrassé de la pesante "malédiction arc-en-ciel", dans la foulée de sa première victoire de la saison, tentera d'inscrire, enfin (un comble, à seulement 26 ans), un Monument à son palmarès. Vu son omniprésence en tête de course depuis quelques semaines et sa montée en puissance, il sera dur à battre. Mais c'est le sentiment qu'il dégage, sans succès sur ces grandes épreuves, depuis quatre ans. Est-ce son heure?

Greg van Avermaet, sa "bête noire" depuis l'an dernier, sera aussi à suivre. Le coureur de l'équipe BMC apprend à gagner - sur le tard (30 ans) - et prend une nouvelle dimension. Le tenant du titre du Ronde, Alexander Kristoff, suscite quant à lui quelques interrogations : malade le week-end dernier, et donc absent lors de GW, il ne dégage pas la même impression de plénitude qu'au printemps dernier, et n'a pas levé tous les doutes durant les Trois Jours de la Panne (2e du CG, plus une étape). Sa vitesse au sprint reste un atout-maître. 

Enfin, Sep Vanmarcke, seul homme à la hauteur du duo Cancellara-Sagan sur GW, Tiesj Benoot, Jurgen Roelandts, Geraint Thomas, Michal Kwiatkowski, Edvald Boasson Hagen, Arnaud Démare ainsi que la quasi-totalité de l'équipe Etixx - Quick Step seront de sérieux candidats à la victoire et aux places d'honneur sur ces deux grands rendez-vous. 

Fabian Cancellara et Tom Boonen ne se sont jamais présentés "roue dans roue", pour la gagne et sans autre compagnie, dans la dernière ligne droite du Tour des Flandres ou de Paris-Roubaix. Pour éviter que cette anomalie perdure éternellement, il ne leur reste plus que deux occasions. 

Simon Farvacque 

 

*Trentin fut son meilleur élément sur Milan - San Remo, 10e (Gaviria ayant chuté à 300 mètres du but), puis sur le GP E3 où, 12e, il avait mené un tir groupé (quatre coureurs entre la douzième et la quinzième place) synonyme d'échec cuisant, avant que le jeune sprinteur colombien, 21 ans, ne termine Gand-Wevelgem au sixième rang. 

Sources : http://www.procyclingstats.com/

Publié le 31.03.2016


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