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Joe Rokocoko, l'étoile tourmentée

           
       
Pour tout amateur de rugby, l’année 2003 est et restera celle de Sir Jonny, jeune ouvreur au sang froid terrifiant qui symbolisait alors parfaitement le sacre d’un XV de la Rose au firmament. Mais si elle fut celle de la consécration pour le rugby anglais, son artilleur Jonny Wilkinson et son emblématique leader Matin Johnson, la saison 2003 fut aussi celle de l’éclosion de Joe Rokocoko. Ce dernier, qui après 5 capes totalisait déjà 10 essais au compteur, termina l’année avec 17 réalisations en 12 test-matchs. Un record encore inégalé.

Le dimanche 2 Mars 2014, loin de son lustre d’antan c’est encore lui pourtant, qui fut un acteur majeur de la victoire de l’Aviron Bayonnais sur les terres de son rival biarrot (11-8).
Quel itinéraire a-t-il emprunté, depuis son  avènement  initial sur la scène internationale, pour passer d’illustre star mondiale à simple héros local ?

Joe Rokocoko joueur fantasque, aux antipodes du pragmatisme britannique qui a mené les hommes de Clive Woodward au titre mondial, a connu une fulgurante ascension. Plus encore que la redondance de ses voyages en terre promise, un geste personnifie l’insolente réussite de ses débuts : l’incroyable double appui/toupie1 qu’il a réalisé contre l’Italie, et auquel il a donné son nom depuis.

Cette entrée fracassante dans le gotha mondial traduit l’incroyable réservoir dont dispose le rugby néo-zélandais. En effet, moins d’un an après l’éviction, fortement débattue, d’un Christian Cullen aussi rapide et imprévisible que sa carrière de All Black le fut, les kiwis se découvrent déjà un nouveau redoutable finisseur.
Clin d’œil du destin, les deux hommes partagent aujourd’hui la 2e marche du podium des meilleurs marqueurs d’essais de l’histoire du XV  Néo-zélandais, avec 46 réalisations.

 

Années fastes suite à la fulgurante ascension

En 2003, en plus de se révéler aux yeux du monde entier avec, sur le dos, le maillot à la fougère argentée, Joe Rokocoko, 20 ans à peine, remporte le super 12 sous les couleurs des Auckland Blues.
Cette saison-là, il forme avec Rupéni Caucaunibuca et Doug Howlett un triangle arrière aussi fantasmagorique pour ses supporters que cauchemardesque pour ses adversaires. De plus, lorsque l’un de ces trois joueurs s’asseyait sur le banc… c’était au profit de Mils Muliaina, seul arrière de l’histoire à avoir atteint la barre des 100 sélections pour les All Blacks. Excusez du peu.

 Une puissance de frappe dans le champ profond qui pouvait légitimement amener le coach qui lui était opposé à proscrire à ses joueurs le moindre jeu au pied.  Avec à la baguette le génie de Carlos Spencer pour orchestrer le tout, les  Auckland Blues présentaient alors une ligne de trois quart aux allures d’invincible armada et à la célérité vertigineuse.

La suite de la carrière en club de Joe Rokocoko fut rapidement moins glorieuse, l’équipe des Blues ne tutoyant plus jamais les sommets jusqu’à son départ. Qui plus est jusqu’à présent.

Mais sous le maillot Néo-zélandais l’embellie se prolonge pendant plusieurs années. Jusqu’à la coupe du monde 2007 précisément.

 

Déprime et remise en question

Ainsi, si son ahurissante moyenne d’1,42 essai par matchs, lors de sa première saison internationale, n’était évidemment pas amenée à perdurer celle-ci a chuté de manière plus significative qu’il pouvait l’espérer (0,68). Pourtant fin 2007, au sortir de la coupe du monde, elle flirtait encore avec l’unité (43 essais en 44 rencontres). Mais à partir de l’année suivante, Rokocoko n’est plus que l’ombre de lui-même (3 réalisations en 20 matchs entre 2008 et 2011).

« Je me posais la question de savoir pourquoi je n’arrivais plus à créer des intervalles. Cela avait fini par me bouffer. J’étais devenu dépressif. Je ne prenais plus aucun plaisir dans ce que je faisais. »

Il vécut donc une histoire contrastée avec le XV à la fougère argentée, et plus particulièrement lorsqu’à ce dernier la coupe du monde s’entêtait à se refuser.

Débutant sa carrière internationale juste à temps pour prendre part aux échecs retentissants et l’achevant seulement à quelques mois d’un triomphe3 au gout de soulagement, Joe Rokocoko assista en tant que spectateur à la victoire des siens sur leurs terres face au XV  français, l’un de ses historiques adversaires. En effet, sa quatrième saison décevante avait achevé de convaincre Graham Henry de se passer de lui pour la coupe du monde 2011. Ainsi, Joe Rokocoko jusqu’à la lie boira le calice, car son nom jamais ne sera associé à celui de William Web Ellis. 

Cette blessure qu’il tend à minimiser, « J’étais en paix car j’avais le sentiment d’avoir apporté durant toutes ces années passées à leurs côtés ma pierre à l’édifice », reste malgré tout une plaie ouverte lorsqu’il s’engage pour l’Aviron Bayonnais.

Une arrivée sur la côte basque, fin 2011, qui pouvait être accueillie avec un certain scepticisme. Naturellement, la question de ses motivations s’est posée, et il n’y avait aucune honte à douter de sa capacité à s’investir pleinement dans ce nouveau projet.

Pendant 15 mois Rokocoko n’eut que son CV à opposer à ses détracteurs, nourrissant le cliché  du touriste/profiteur. Mais de fantomatique joueur à  incontestable leader, l’ancien all black s’est aujourd’hui mué. Une transformation radicale venue d’un changement de poste expérimental.

 Joe Rokocoko était devenu, impensable constat il y a peu, un insipide ailier, mais il a su devenir le trois quatre centre redoutable qu’il n’avait jamais été. Pas même lors de ses plus belles années.

 

Le stade Yves-du-Manoir, antre de la résurrection

Le déclic s’opère le 16 février 2013 lorsque sur la mythique pelouse du stade Yves-du-Manoir, le génie néo-zélandais renait et inscrit l’essai du bonus défensif suite à un rebond, enfin, favorable.

Depuis, il ne cesse de tirer vers le haut un groupe bayonnais dont il est devenu un des cadres. Son impact sur l’équipe, réel depuis longtemps aux dires des joueurs et entraîneurs, se matérialise alors en essais (déjà 6 en Top14 cette saison).

Le derby basque de la semaine dernière en est le plus bel exemple : c’est lui qui d’un pick and go rageur fut l’unique marqueur2 de ce match de la peur (pour Bayonne, et de l’infime espoir pour Biarritz). Match de la peur, un qualificatif qui colle aux basques de ce derby depuis 3 ans maintenant, sans pour autant en altérer ni la ferveur ni l’engouement. Un engouement que les bayonnais exaltent par leurs chœurs et dont Rokocoko avait eu vent de l’ampleur avant même de devenir l’un des leurs.

« La première chose dont on m’a parlé en arrivant ici, c’est du derby face à Biarritz. Certains m’ont même dit que cette partie là était plus importante que la finale du championnat. J’ai hâte de la jouer»

En plus de son excitation à l’idée de participer à ce type de match unique, le discours de Joe Rokocoko à son arrivée en France, attestait de son  tempérament ambitieux.

« J’ai très envie de jouer la H Cup et je ferai tout pour emmener Bayonne à ce niveau […] j’ai pleinement conscience que l’on attend de moi que je transmette mon expérience et ma confiance au reste du groupe »  Si il est encore loin de ses objectifs initiaux, force est de constater qu’il fait aujourd’hui honneur à ses propos, en étant sur le pré à la fois un irréprochable guide pour ses jeunes partenaires, et un poison pour ses adversaires.

En tant que joueur, Joe Rokocoko n’avait plus rien à prouver au public Bayonnais,  en tant qu’homme il se devait de gagner son respect. Un défi qu’il a su relever, et qui restera à n’en pas douter l’une de ses plus grande fierté :         

 « Quand j’aurais fini ma carrière de rugbyman, je veux pouvoir regarder derrière moi et me dire : j’ai à la fois réussi en Nouvelle-Zélande, sous le maillot des All Blacks, et lors de mon passage en France »

Certes Joe Rokocoko n’est plus la féline panthère que craignait la terre entière mais si son costume de fantastique soliste est définitivement rangé au placard, celui de charismatique meneur qu’il revêt aujourd’hui fait de lui, non seulement un grand joueur, mais surtout un homme de parole et d’honneur.

1http://www.dailymotion.com/video/x3y7lk_joe-rokocoko_sport
sous entendu : seul marqueur d’essai.
3controversé, mais là n’est pas le sujet

FARVACQUE Simon

Sources :
Midi  Olympique du vendredi 25 Novembre 2011.
Wikipédia / L’équipe
http://www.abrugby.fr/actu/detail.aspx?NUM_ACTU=3066
http://www.itsrugby.fr/joueur-internationale-2045.html

 Publié le 08/03/14

 


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