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Antoine Griezmann : le salut par l’exil, la notoriété par l’innovation



Antoine Griezmann,
le salut par l'exil, la notoriété par l'innovation
Le milieu offensif, ou attaquant, de l’Atlético Madrid est l’une des figures incontournables du ballon rond hexagonal... alors qu’il n’en était qu’un espoir peu médiatisé, auprès du grand public, il y a encore quelques années voire quelques mois. Récit de son irrésistible ascension qui, au-delà de cette brutale accélération, repose sur une constante progression.

Flashback. Mardi 20 août 2013, l’Olympique Lyonnais reçoit le club espagnol de la Real Sociedad, avant de se déplacer chez son adversaire du soir, une semaine plus tard. En jeu, une place pour la phase de groupes de la Ligue des Champions, véritable vitrine sur l’Europe, voire sur le Monde, et manne financière non négligeable. Dix-septième minute du match, dans le ciel, le ballon s’élève, le public retient son souffle alors qu’Antoine Griezmann arme sa reprise ... acrobatique et limpide, cette dernière laisse Anthony Lopez sans réaction : l’équipe basque ouvre le score (0-1) puis s’impose finalement de deux buts à Gerland et 4-0 sur l’ensemble de la double confrontation. Pour le jeune français (alors âgé de 22 ans), le symbole est fort. En effet, il s’avère être l’un des principaux acteurs de l’élimination du club qui le faisait rêver et qui lui avait fermé la porte au nez, lorsque, durant son enfance, il souhaitait l’intégrer. Derrière le tableau classique de la petite perle oubliée, qui revient sur les terres d’où elle fut refoulée pour provoquer défaites et regrets, se cache un cheminement particulier qui n’était alors qu’entamé, et qui fait aujourd’hui de « Grizi » l’un des footballeurs français les plus performants, populaires et adulés. Retour sur les clés de ce succès. 

Nombreux refus essuyés... sous d’autres cieux peut-il se révéler ?

C’est au sein de l'Entente Charnay et Mâcon 71 (devenue Union du Football Mâconnais suite à une fusion avec une autre entité) qu’Antoine Griezman effectue ses premiers pas de footballeur. La ville de Mâcon étant située à 73 km du « grand Lyon », en passe de le devenir en termes de ballon rond,  le club rhodanien suscite en lui une particulière attention : « Enfant, j’étais fan de l’OL. Je regardais tous les matches. C’était mon club, une équipe historique. ».

Lorsque sa passion commence à représenter à ses yeux un véritable projet de vie et non plus un simple hobby, Griezmann tente donc naturellement d’être admis au centre de formation lyonnais ... mais ce dernier se refuse à lui, tout comme ceux d’autres équipes professionnelles françaises d’ailleurs (il a tenté sa chance à Metz, Auxerre, Sochaux et même chez le « rival » stéphanois).

Dans les catégories « de jeunes », ce sont souvent les qualités physiques qui priment, pour sortir du lot, et son profil de joueur technique, au petit gabarit, ne l’avantage guère aux yeux des recruteurs, selon ses propres dires : « Ils ne voulaient pas me prendre par rapport à ma taille. ». Ces échecs redondants l’affectent mais ne le découragent pas et en 2005, Montpellier le prend « à l’essai ». Il a quatorze ans... et un tournoi pour faire ses preuves.

A l’issue de ce dernier, qui se déroulait à Paris, il n’est pas conservé. Cependant, ses aptitudes n’ont pas laissé de marbre Eric Olhats, qui officie en tant que recruteur pour la Real Sociedad. Le club basque ne tarde pas à se manifester et un choix important s’impose pour le petit Griezmann : doit-il tenter l’aventure à l’étranger ?

Pour vivre heureux, vivons cachés. La Liga, le championnat qu’il lui fallait.  

Ce grand saut il va le réaliser ... sans avoir à le regretter : « La Real Sociedad a eu confiance en moi. Ils ont su me mettre dans les meilleures conditions pour pouvoir hausser mon niveau. ». Certes, tout n’a pas été rose _ aucun dépaysement n’est évident... surtout pour un adolescent _ mais le jeu en valait la chandelle. Il déclarait ainsi récemment « c’est vrai que c’était dur [...] Mais je me suis dit : ‘’il faut que je fasse ce sacrifice pour devenir professionnel et réaliser mon rêve’’ ».

Il fait ses classes dans un anonymat relatif qui lui permet de franchir, à son rythme, les étapes, sans la pression populaire qu’il pourrait vivre en France, où la grande mode de la quête du « nouveau Zidane » fait autant vendre du papier que péricliter les carrières de futures stars annoncées, qui peinent à garder les pieds sur terre face à cette pesante atmosphère.

Au-delà de l’aspect purement sportif, cette situation a pu lui valoir une certaine clémence vis-à-vis de sa participation à la fameuse virée nocturne de 2012*, qui, à défaut de rester sans conséquences _ car assortie d’une suspension qui l’a privé de toute sélection jusqu’à janvier 2014 _ n’a pas trop affecté son image... contrairement à celle de Yann M’vila, l’un de ses coéquipiers bleuets (et compère d'escapade) alors plus médiatisé. L’attitude qu’il avait adoptée _ disant «tout assumer» et ne préférant pas faire appel de la sanction _  suite à cet épisode peu glorieux de son début de carrière, ayant également joué en faveur de la préservation de l’image positive que sa naissante notoriété générait.

Mais c’est avant tout en étant propice à sa progression sur le terrain, en l’amenant à jouer dans un championnat qui lui permet de s’épanouir, où les redoublements de passes et le jeu dans un petit périmètre sont plus souvent prônés, que son choix de s’exiler s’est avéré décisif dans son parcours.

Collectivement comme individuellement, une amélioration quasi-constante

En 2007/08 et 2008/09, il se rapproche du très haut niveau et fait ses preuves au sein de la réserve de son nouveau club, qui œuvre en 3e division espagnole. Lors de la saison 2009/10, son évolution le mène à intégrer l’équipe première, alors en Liga Adelante (2e échelon national) et avec laquelle il se montre de plus en plus convaincant au fil du temps, jusqu’à en devenir l’un des éléments les plus importants. Avec lui, la Real rejoint l’élite et grimpe vers son pinacle, d’abord lentement (15e en 2010/11, 12e en 2011/12) puis plus brutalement, en vivant avec l’entraîneur français Philippe Montanier, à sa tête entre 2011 et 2013, une saison exceptionnelle.

En 2012/13, elle s’impose en effet comme un candidat aux places européennes, tandis que Griezmann devient le 5e plus jeune joueur de l’histoire de la Liga à atteindre la barre symbolique des 100 matchs disputés et, par la même occasion, le plus précoce étranger à le faire (Bojan Krkić, 1er, détenant la double-nationalité serbe/espagnole) subtilisant à Clarence Seedorf cette distinction honorifique.

Lors de l’ultime journée du championnat, il marque le but décisif qui permet à la Real Sociedad (grâce à une victoire 1-0 contre La Corogne) de terminer à une 4e place synonyme de tour préliminaire de la C1 (qui se concrétisera donc, quelques mois plus tard, par une qualification face à Lyon). Symbole d’une course vers les sommets que Griezmann partage depuis son accession au haut niveau, avec les clubs dans lesquels il évolue (voir ci-dessous).


Si l’année 2013/14 s’avère plus compliquée pour son équipe, elle confirme sa montée en puissance : première participation à la Ligue des Champions, découverte de l’équipe de France A et sélection pour la coupe du monde au Brésil sont autant de témoins de sa maturation.

En signant chez l’Atlético Madrid, champion d’Espagne en titre, pour la saison 2014/15, il prend une nouvelle dimension et, après une entame statistiquement plus compliquée, redresse la barre en démontrant des capacités plurielles à l’heure de conclure les actions, joignant notamment à son aisance technique un jeu de tête surprenant pour sa taille (1m76), qui vient, par exemple, de lui permettre d’inscrire un doublé (victoire 3-1 contre Levante, le 3 janvier dernier).

Il devient ainsi de plus en plus « buteur », une constante dans le déroulement de sa carrière (comme en atteste le graphique ci-dessous, représentant l’évolution de son ratio buts/matchs, toutes compétitions confondues, depuis ses premiers pas en tant que professionnel.)


Mais s’il brille sur le rectangle vert... son domaine de compétences ne se limite pas à ce dernier.

Aussi bon joueur que community manager

En effet, il est particulièrement actif sur les réseaux sociaux, où il sait se montrer innovant, lançant par exemple le concept de « GriziDéfi » (1). Une originalité qu’il a toujours cultivée, fêtant son premier but en Liga (déjà contre La Corogne), en 2010 ... au volant d’une voiture. (2)

Ainsi, sur internet, ses fans forment une véritable communauté _ il comptabilise plus de 2,3 Millions de « j’aime » sur Facebook et de 800 000 « followers » sur Twitter _ qui se rassemble autour du hashtag (cri de ralliement de la toile) : #TeamGrizi.

Des nombres qui font de lui le 3e Bleu (ayant participé à la dernière CDM) le plus suivi sur le net, (très loin) derrière Benzema, à honnête distance de Varane, mais une courte tête devant Giroud, Sagna et Sakho. Sachant qu’en termes de capes il ne se classe, par exemple, que 16e sur 23 (toujours sur le même échantillon) ces statistiques démontrent sa forte capacité à fédérer [les jeunes notamment, comme en atteste sa nomination aux Melty Future Awards (3)].

Capacité qui s’explique également par une autre de ses caractéristiques: ses publications en deux langues (espagnole et française) lui permettent d’avoir une très large audience et s’inscrivent dans la lignée de la double culture qui a construit son parcours d’homme et de footballeur.

Au-delà même de cette recette qui séduit _ légèreté rafraichissante, partage de son quotidien et création d’une complicité virtuelle _ et porte ses fruits en s’adressant à un grand éventail de fans potentiels, Griezmann, que le magazine Surface  définit comme un « Super-Héros du web », jouit d’un fort capital sympathie auprès des supporters français. Capital qu’il a acquis, entre autre, au gré de ses débuts réussis avec le maillot frappé du Coq et de l’engagement émotionnel dont il fait preuve lorsqu’il porte ce dernier (c’est en larmes qu’il a vécu l’échec subi en quart de finale du Mondial brésilien, 0-1, face à l’Allemagne).

Croissance spectaculaire ... mais contrôlée

Choix de carrière judicieux, état d’esprit apprécié et jeu attrayant _ rigueur tactique,  finesse technique et polyvalence_ sont autant de qualités que bonifie Antoine Griezmann par une judicieuse gestion de son image de marque. Autant de qualités qui se font ainsi vectrices de son ascension sportive et médiatique. Une ascension qui n’est pas encore terminée. En effet, à contre-courant de ces constats élogieux, son palmarès reste modeste (4) et son statut en équipe de France se doit d’être consolidé.

Paradoxalement, dans ce monde régi par les nouvelles technologies et le culte de l’immédiateté, où tout semble s’accélérer, Antoine Griezmann arrive à exploiter les opportunités qu’offre la modernité, tout en continuant de grandir lentement.

C’est peut-être en cela qu’il est en avance sur son temps.

Simon Farvacque

* http://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Griezmann-assume/330138

(1) https://vine.co/v/MLuXqnXdd9B

(2) https://www.youtube.com/watch?v=wjGM6aS7eeU

(3) Melty étant un groupe de médias ayant pour « public cible » les 12-30 ans.

(4) Championnat d’Europe U19 et Liga Adelante en 2010,  Supercoupe d’Espagne en 2014.

(Statistiques arrêtées au 10/01/2015)

Autres sources :

http://www.lequipe.fr/Football/match/301381

http://www.football.fr/espagne/articles/video-griezmann-forte-tete-!-628996/

http://www.lequipe.fr/Football/FootballFicheJoueur36553.html

http://rmcsport.bfmtv.com/football/direct-griezmann-digne-luis-attaque-582259.html

http://videos.tf1.fr/telefoot/equipe-de-france-griezmann-le-retour-en-grace-8374734.html

Publié le 11/01/2015




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