Tweets sur sporthinker
Sporthinker
Un rendez-vous hebdomadaire pour tous les passionnés de sport.

Médias: Les dangers de la dictature du football


               Lundi 13 Janvier 2014 a eu lieu, comme vous le savez tous, le premier match de l’équipe de France de Handball à l’euro (remporté 35-28 face à la Russie)… et accessoirement la remise du FIFA ballon d’Or 2013 à Cristiano Ronaldo.  

Cette inversion volontaire dans la priorisation de ces deux évènements, par rapport à leur ampleur médiatique, est un exemple parmi tant d’autres, qui prouve à quel point le football vampirise les médias sportifs en France.
Pour illustrer encore mieux cette inégalité de traitement, intéressons nous à un cas
dans lequel les rôles seraient inversés :
Thierry Omeyer a obtenu le titre de meilleur handballeur de l'année IHF en 2008 et cela n’avait, de mémoire, pas eu un énorme retentissement médiatique.
Imaginez un instant que cette distinction lui ait été remise en récompense de sa saison, et donc en cours d’année 2008. Par exemple, à tout hasard, le 9 juin, jour de l’entrée en lice de l’équipe de France de football à l’euro face à la Roumanie (conclut par un soporifique 0-0).
J’ai peine à croire que le lendemain, notre « Titi National » (Omeyer j’entends, et non Henry, un peu de patience amis footeux) aurait eu l’honneur de faire la une des quotidiens sportifs nationaux. L’état de la cuisse douloureuse de Henry, qui lui avait valu de rester sur le banc face à la Roumanie, aurait d’ailleurs je pense, fait couler bien plus d’encre que la consécration d’Omeyer.
Au-delà de cette étude de cas virtuelle, qui n’engage que ma propre intuition… la prédominance du football au sein de l’univers médiatique du sport français est aujourd’hui une réalité.
En effet, le journal L’équipe a consacré huit de ses dix dernières unes au football, sur une période qui ne manquaient pourtant pas d’évènements extra-footballistiques (Dakar, euro de Hand ou encore Open
d’Australie). Bien que pondérée par sa faible portée temporelle, cette statistique témoigne de la surreprésentation du football au sein du premier quotidien sportif français.
Notons que le tennis, auquel les deux autres unes étaient consacrées, est un des sports qui attire le plus la lumière, à l’ombre de l’ogre football. Une visibilité médiatique qui s’explique par une formidable génération au niveau international (Federer, Nadal et Serena Williams ont plusieurs fois été élus champions des champions de l’année par L’équipe).  Mais qui se manifeste aussi à travers la sacralisation de l’ « exploit » de Marion Bartoli à Wimbledon l’an dernier (je vous fais grâce du détail des sketchs qui s’en sont suivis).
Toujours est-il que, si l’inégalité de la couverture médiatique des sports en France est un fait, cette chronique n’a pas vocation à évaluer si celle-ci est équitable ou non. En effet pour avoir la prétention de le faire, il faudrait tenter de déterminer s’il existe une relation de proportionnalité, entre l’intérêt relatif d’un sport et sa médiatisation.
 Pour cela il serait nécessaire d’effectuer une étude prenant en compte de très nombreux facteurs (poids socio-économique, degré de développement ou encore nombre de licenciés de chaque sport). De plus, le choix de ces facteurs fait appel à une certaine subjectivité, et si ces derniers influent incontestablement sur le degré de médiatisation du sport en question, la réciproque est vraie. La réversibilité du rapport de cause à effet entre ces différentes variables rend l’étude de cette question encore plus délicate. Ce n’est pas un article, mais bien une thèse qu’il faudrait rédiger dans le but d’y répondre.
Je ne cherche donc pas, par ce papier, à juger si l’écrasante hégémonie du football au sein du paysage médiatique français est justifiée ou non, mais plutôt à en étudier les éventuelles conséquences.
Si le football semble parfois souffrir de sa sur-médiatisation, inutile de vous faire le récit de Knysna 2010, celle-ci a aussi des répercussions sur l’ensemble des sports.
Ne croyez pas que je cherche à minimiser les maux du football, ni les préjugés qui en émanent. Seulement ceux-ci défraient déjà si souvent la chronique (la rançon de la gloire est parfois un lourd fardeau à porter) que c’est aux autres disciplines que je vous propose de nous intéresser aujourd’hui.
Le fait que le football vampirise la presse sportive n’est, en soit, pas si néfaste pour les autres sports : une faible quantité  d’informations n’induit pas automatiquement que ces dernières soient de piètre qualité. D’ailleurs, selon la formule consacrée : « ce qui est rare est précieux ».  
Pourtant ce fameux dicton ne s’applique pas, à mon sens, à l’information sportive en France, pour qui :    « ce qui est rare est creux » me parait plus approprié.
En effet, là ou le bât blesse, c’est que face à la faible fenêtre médiatique qui leur est accordée pour parler des « sports mineurs », la tentation est grande pour les journalistes de verser dans un sensationnalisme exacerbé, bien plus vendeur qu’un article technique.
Par conséquent, un sport, qui a la fâcheuse particularité de ne pas s’appeler football, semble aujourd’hui contraint au scandale, ou à l’exploit planétaire, pour faire les gros titres de la presse sportive française. Bien hélas, de nombreux clichés sont le fruit de cette recherche du sensationnel, dénuée de toute mesure.
Qu’elle s’indigne de leurs comportements ou qu’elle les érige en idole, l’opinion publique n’a souvent qu’une vision simpliste des sportifs français.
  Ainsi, la natation ou le judo paraissent éternellement connotés positivement aux yeux des français, qui sont pourtant à mon avis, une majorité à ne s’y intéresser qu’une fois par an (voir seulement à chaque olympiade). A l’inverse, je pense que pour bon nombre de français le cyclisme ne rime qu’avec dopage, et le rugby n’inspire que dérapages verbaux, nuits alcoolisées voir calendrier dénudé.
Il faut reconnaître qu’il est plus simple de s’insurger face aux dérives de certains sports que d’en devenir de fins connaisseurs.  Tout comme il est plus facile, au contraire, de se vanter avec patriotisme de l’insolente réussite de Teddy Riner, que de commenter son dernier o-uchi-gari.
De plus, le fameux « tous dopés ces cyclistes » fait bien meilleur effet durant l’apéritif qu’une analyse technico-tactique de la position aérodynamique de Fabian Cancellara.
Cancellara qui n’a d’ailleurs jamais été aussi médiatisé que lorsque des rumeurs ont couru au sujet de son vélo. Et oui, « Monsieur vélo à moteur », ça sonne mieux sur les réseaux sociaux que « Triple vainqueur de Paris-Roubaix et quadruple champion du monde du contre la montre »
Enfin, j’admets que les représentations de sports tels que le handball ou le basket oscillent entre le meilleur : résultats des équipes nationales (surtout pour le handball), et le pire : scandales récents (paris truqués pour l’un et match virant au « règlement de compte à OK Corral » pour l’autre).
Si d’intéressantes discussions peuvent naître de cette ambivalence, j’ai bien peur qu’elles ne se résument souvent qu’à de stériles monologues où les lieux communs ont valeur d’arguments. Ainsi, je crains que même ces deux disciplines n’échappent pas à la superficialité avec laquelle le grand public analyse la majorité des sports. 
  Attention, si mon discours paraît surtout mettre en cause la responsabilité des journalistes, nous ne devons pas pour autant nous dégager de la notre. Il est évident qu’en exploitant seulement les bribes d’informations mises à notre disposition, nos débats sur le sport sont voués à rester aussi stéréotypés qu’aseptisés.
  En effet, il est de notre ressort de nous contenter, ou non, d’une passive consommation de l’information sportive. Bien sûr, celle-ci suffit à meubler la conversation lors des diners mondains, mais de grâce, ayons l’exigence intellectuelle de ne pas nous satisfaire d’une telle illusion de connaissance.
   Que l’outrageuse prédominance du football au sein des médias sportifs français soit justifiée ou non, nous nous devons de veiller à ce qu’elle ne condamne pas les autres sports à n’exister dans nos esprits qu’à travers préjugés, idées-reçues et représentations idylliques.


FARVACQUE Simon

Sources:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Thierry_Henry
http://fr.wikipedia.org/wiki/Meilleur_handballeur_de_l'ann%C3%A9e_IHF
Publié le
20/01/14



Ce site web a été créé gratuitement avec Ma-page.fr. Tu veux aussi ton propre site web ?
S'inscrire gratuitement