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Le "soccer" aux Etats-Unis: durable "success story" ?

Pour le premier match de l’équipe américaine lors de ce mondial, comme un célèbre cow-boy qui tire plus vite que son ombre, Clint Dempsey a dégainé au bout de 30 secondes. Mais si les Etats-Unis gardent un air de Lucky Luke, celui de « lucky loser » ne leur colle plus à la peau, et en plus d’un championnat en plein essor, et de la relative réussite sportive de la sélection nationale, le « soccer » connait un intérêt médiatique croissant outre-Atlantique. Alors, le football, dépourvu du suffixe  « US », peut-il durablement faire rêver les Américains, et la « Team USA » va-t-elle poursuivre son ascension vers les sommets ?

 Depuis 1994, lorsqu’ils avaient organisé l’événement, les Américains répondent toujours présent au rendez-vous de la Coupe du Monde de football, sans pouvoir pour autant y jouer les tous premiers rôles. Seulement, rêver plus grand n’est pas réservé au Paris Saint-Germain, et les Etats-Unis, dans le domaine de la démesure, sont spécialistes en la matière. Alors, bien qu’aujourd’hui le soccer reste un sport mineur aux USA, s’il continue d’y devenir un sport qui compte dans l’esprit des gens, voir la sélection américaine s’imposer comme une des places fortes du football mondial, dans les années à venir, n’aurait rien d’étonnant.

Les femmes et les enfants d’abord !!

Galanterie oblige, honneur aux femmes. Seulement, si c’est le football féminin qui fait la fierté des Américains, ce n’est pas dû à une quelconque courtoisie, mais bel et bien aux résultats de ces dames, qui présentent un palmarès impressionnant.

Elles ont été sacrées deux fois championnes du monde (1991 et 1999) et ont toujours figuré sur le podium lors des six Coupes du Monde de football féminin disputées à ce jour. Aux Jeux Olympiques ? C’est encore plus fort : cinq titres et une finale perdue en six tournois.

Et les jeunes dans tout ça ? Miguel Commingues 1 déclarait en 2011 « Aux Etats-Unis, le football est le sport le plus pratiqué jusqu’à 14 ou 15 ans, garçons et filles compris. Mais comme le basket ou le foot US paient beaucoup plus, les plus athlétiques s’orientent alors vers ces sports-là. Mais cette tendance n’est plus aussi forte et le football a de plus en plus de succès. C’est pour cela aussi que l’équipe nationale progresse. »

C’est d’ailleurs par l’intermédiaire d’un joueur prometteur, (trop) rapidement qualifié de prodige par certains, que le soccer américain a beaucoup fait parler de lui il y a quelques années.

Adu, le crash du crack annoncé

Professionnel dès l’âge de 14 ans, alors sujet de discussion favori des fans de Football Manager, Freddy Adu (25 ans aujourd’hui) impressionnait par sa vitesse d’exécution mais questionnait aussi, sur le niveau de la MLS2. Promis à un grand avenir, il a vite déchanté sur le vieux continent, confirmant certains des doutes émis quant à la compétitivité de la ligue nord-américaine.

De 2007 à 2011, de Benfica à Monaco, en passant par la Turquie et la Grèce, son exportation rime toujours avec déception. Actuellement, il est sans club et bien qu’il se déclare toujours confiant quant à ses capacités : «  Je reste heureux de ce que j’ai vécu quand j’étais plus jeune, mais je n’ai que 24 ans (25 depuis) à l’heure actuelle. J’ai le temps de rattraper les erreurs que j’ai pu faire », on peut raisonnablement douter de sa capacité à devenir un grand joueur.

Finalement, derrière l’histoire d’un gamin un peu dépassé par sa médiatisation _ ce qu’il reconnait d’ailleurs : « J’ai été confronté à la pression très jeune. A 14 ans, vous n’êtes qu’un jeune joueur immature. On doit écouter les autres, que ce soit sa famille ou ses entraîneurs. A un moment j’ai subi trop de pression et je ne me suis pas entraîné comme j’aurais du le faire. Ca a freiné mon développement. » _ se cache la preuve du fossé qui existe encore entre les championnats d’Europe et des Etats-Unis. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir fait fort, au niveau du casting.

Car Si le Roi Pelé avait lui-même adoubé Adu (le surnommant « le nouveau Pelé ») quelques années auparavant c’était bien lui, le seul, l’unique, qui avait foulée les pelouses américaines.

Pelé, pionnier d’une constellation de stars

De 1975 à 1977 il a en effet porté les couleurs de la franchise du New York Cosmos, jouant au sein d’une ligue privée, la NASL3, qui développera, de 1968 à 1984, une politique de sur-starisation et de dépenses à outrance, au mépris de toute logique sportive, qui causera sa perte. La même année, Eusébio intègre également le championnat nord-américain, et ces deux mythiques buteurs seront rapidement imités par Franz Beckenbauer, George Best, Bobby Moore, Gerd Müller ou encore Johan Cruijff… tous en fin de carrière.

Depuis 1996, la MLS a donc repris le flambeau (à l’initiative de la FIFA, qui avait fait de la création de cette nouvelle ligue un pré-requis à l’organisation de la coupe du monde 1994), et dans la même lignée attire de nombreuses stars, de Thierry Henry à Juninho en passant par David Beckham.

Le Spice Boy envisage d’ailleurs de créer une franchise à Miami, alors que le nom de New-York Cosmos peine à renaître de ces cendres, depuis 2010, à travers une équipe qui joue actuellement en NASL4. Comble du camouflet, c’est une autre franchise new-yorkaise qui a été choisi pour intégrer la MLS à partir de 2015.

La clarté n’est pas encore le maître mot outre-Atlantique, mais malgré les imbroglios médiatico-financiers5 qui caractérisent ses championnats, le soccer américain continue de se développer par l’intermédiaire de sa sélection nationale, de plus en plus compétitive.

Sélection en progression et engouement croissant

En Coupe du Monde, depuis qu’elle a terminé 3e en 1930, jamais l’équipe masculine n’a fait mieux que quart de finaliste, mais son passé récent atteste d’une certaine progression.

Outre ces quelques coups d’éclats lors du principal rendez-vous planétaire _ victoire 3-2 contre le Portugal et 2-0 contre le Mexique, en 2002, ou encore qualification en tant que premier de son groupe il y a quatre ans, devant les anglais notamment _ le onze américain se distingue lors de la  Coupe des Confédérations 2009, en infligeant à l’Espagne sa première défaite depuis 35 matchs (2-0).

Les Etats-Unis se frayent de plus en plus régulièrement une place parmi le gotha du football mondial, et cela attire les curieux.

Il y a 4 ans, durant la dernière Coupe du Monde, à l’occasion d’un match de la sélection, le record d’audience pour un match de soccer aux Etats-Unis a été battu (avec 19,4 millions de téléspectateurs) … alors qu’il tenait depuis 1994. Ce record tombera à nouveau quelques jours plus tard, à l’occasion de la finale, opposant l’Espagne aux Pays-Bas (24,3 millions).

Cette année, ce sont les réseaux sociaux qui s’enflamment pour le soccer auquel l’une des plus grandes stars de la NBA, Kobe Bryant, est allé jusqu’à déclarer sa flamme sur twitter6. Le football et les aventures de la Team USA sont de plus en plus suivis par les américains, c’est un fait.

A l’occasion du plus grand rendez-vous international du ballon rond, qui fait du Brésil l’épicentre médiatique de la planète sport, les résultats du onze de la bannière étoilée seront d’autant plus scrutés. Des résultats que l’équipe américaine aura du mal à faire rimer avec « succès », tant l’opposition qui lui est proposée est, dès le premier tour, de qualité.

Dans cette Coupe du Monde… au sein d’un groupe très relevé

Oui, le Groupe B avait fière allure, c’est vrai. Il était le cadre du remake de la finale de la précédente édition, et derrière Bataves et Ibères, qui y faisaient figure de favoris, l’outsider chilien paraissait un sérieux client. Cependant, l’Australie semblait un " Petit Poucet " trop limité pour se mêler à la lutte. Ce sont finalement Pays-Bas et Chili qui en sortiront indemnes, l’équipe australienne, bien que très audacieuse, restant trop limitée défensivement pour aspirer à mieux qu’un accessit dans cette poule, et la Roja vivant une fin de cycle douloureuse et accélérée. 

Certes, le Groupe D est séduisant. Peuplé de trois anciens vainqueurs ambitieux accompagnés d’un outsider fougueux. Mais la Celeste est vieillissante et, privée de sa meilleure arme offensive pour sa première rencontre, s’était montrée particulièrement fébrile. La sélection des Trois Lions, bien qu’emmenée par une attaque jeune et prometteuse, n’a plus connu les vertiges du couronnement mondial, ni même continental, depuis 48 longues années (elle n’y aurait d’ailleurs, peut-être, jamais gouté si la Goal Line Technology7 avait toujours existé). La Squadra Azzura a réussi son entrée en lice mais restait sur une piteuse élimination avec aucune victoire au compteur en 2010, et enfin le Costa Rica rafraichissant et dynamique,  ne peut devenir un épouvantail du jour au lendemain, du seul fait du talent de sa pépite : Joel Campbell.

Et si c’était lui, finalement, le groupe G, le vrai « groupe de la mort » ? Il regorge en effet de quatre nations présentent en huitième de finale de la dernière coupe du monde, et c’est le seul dans ce cas (à titre de comparaison, la poule E, celle de la France, n’en compte… aucune).  L’Allemagne, favorite des bookmakers, avec le Brésil et l’Argentine, qui a débuté la compétition par un franc succès (4-0 contre le Portugal). Le Ghana, qui n’a plus quitté le podium de la CAN depuis quatre éditions et qui s’est vu privé du dernier carré mondial, il y a 4 ans, par une parade-réflexe de Suarez (qu’Ochoa n’aurait pas renié). Le Portugal, jamais gagnant, mais toujours placé depuis une dizaine d’année dans les compétitions internationales… et donc les Etats-Unis.

Or dans ce groupe, les Américains sont pour l’instant idéalement placés, au coude-à-coude avec l’ogre allemand, trois points devant les Blacks Stars et les Lusitaniens.

… Un premier succès à relativiser

En guise de premier match, la Team USA avait droit à une revanche. En effet, elle retrouvait une équipe du Ghana qui lui avait barré la route il y a 4 ans, à l’issue d’un huitième de finale serré (2-1 pour les Blacks Stars après prolongation). D’ailleurs, cette même équipe du Ghana s’était déjà imposée face à la sélection américaine, lors du premier tour de l’édition 2006 (sur le score de 2 buts à 1).

Cette fois, les hommes de Klinsmann l’ont emporté (toujours 2-1), prouvant que deux existe parfois sans trois, en ce qui concerne le nom du vainqueur en tout cas, et qu’il faudra compter avec les USA dans cette coupe du monde qui se cherche un nouveau roi depuis le fiasco de la Roja.

Mais le contexte de cette victoire amène tout autant à la remise en question qu’à la satisfaction. En effet, le but vainqueur est venu d’une grossière erreur de Mensah (concédant un corner, sur lequel Brooks porta, de la tête, l’estocade), et les Américains n’ont pas dégagé une grande impression de facilité, voyant leur adversaire se faire de plus en plus dangereux, au fil du match.

Cependant, les Yankees ont su rester sereins face à la rébellion ghanéenne, et surtout, n’ont pas paniqué lorsqu’ils ont été rejoints au score, à l’entame des dix dernières minutes (sur un but d’André Ayew), reprenant la main quelques instants plus tard.

Rigueur et efficacité sont, certes, nécessaires pour aller loin dans une telle compétition, mais loin d’être suffisants… alors que vaut vraiment cette équipe américaine ?

… Une équipe pour rêver ?

Les Etats-Unis figurent à la 13e place du classement FIFA … mais ce dernier ressemblent à un miroir déformant qui travestit la hiérarchie du moment plus qu’il ne la retranscrit fidèlement. Il est donc difficile d’en tirer quelconques conclusions.

Cependant, invaincue depuis 5 matchs (et une défaite en mars dernier face à l’Ukraine) la sélection américaine est sur une bonne dynamique. Elle est menée par un Jürgen Klinsmann qui souhait y imposer sa patte. En effet, il a fait un choix fort, celui de ne pas sélectionner Landon Donnovan (meilleur buteur de l’histoire de la MLS et de la sélection), comptant donc beaucoup sur Clint Dempsey et Jozy Altidore, pour mener son attaque.

Or les deux hommes ont souffert, physiquement, lors de l’entrée en lice du onze américain.

Altidore, s’est blessé à la cuisse et est forfait (au moins) pour le deuxième match. C’est un vrai coup dur. Dempsey _ qui, outre son but version cow-boy solitaire, a déchaîné la toile au début du mois, à l’occasion d’un match contre la Turquie, avec une roulette-petit-pont très appréciée _ s’en sort avec le nez cassé, mais les USA ne seront pas privés de leur artiste pour la rencontre contre le Portugal.

Le reste de l’effectif est solide, principalement teinté Bundesliga, Première League et MLS. Michael Bradley, déjà très expérimenté malgré ces 26 ans (87 sélections), s’impose comme un des leaders au milieu de terrain, et c’est encore le vétéran Tim Howard, capable du meilleur comme du pire, qui gardera la cage américaine.

A priori, pas de quoi faire trembler les plus grosses écuries de la planète, mais la vérité du terrain n’a que faire des a priori, et le constat mathématique est que les Yankees attaquent leur deuxième match de la compétition dans une position préférentielle.

Il faudra encore attendre quelques années, avant d’éventuellement décréter que les Américains considèrent le soccer comme un sport majeur qui a pris une place de choix dans leur cœur. Mais dans seulement quelques heures nous saurons si la sélection des Etats-Unis a les moyens de ses ambitions, car opposée à une équipe du Portugal aux airs de bête blessée, elle devra prouver que sa compétence n’est pas qu’une vue de l’esprit de ses supporters récemment conquis, autant que passionnés, mais bel et bien une réalité. 

 

FARVACQUE

Simon


1 Joueur guadeloupéen qui a joué aux USA durant une saison

2 Major League Soccer, la plus importante ligue de soccer d’Amérique du nord

3 North American Soccer League, la ligue majeure de l’époque

4 North American Soccer League... à ne pas confondre avec la compétition homonyme précédemment évoqué. C’est une ligue qui représente actuellement l’équivalent de la « Deuxième division » dans le football nord-américain.

5http://www.footmercato.net/breves/new-york-cosmos-l-accusation-de-cantona_126159http://www.rtl.fr/sport/mls-miami-le-premier-choix-de-david-beckham-7766220936

6 il a posté une photo de son billet pour le match Brésil-Mexique, avant de publier « Le foot est mon sport préféré »

7 Technologie permettant, avec une marge d’erreur de 5 millimètre, de savoir si le ballon a franchi, ou non, la ligne de but. Utilisée pour la première fois cette année en Coupe du Monde, à l’occasion du match France-Honduras.

Autres sources :

http://www.lemonde.fr/sport/article/2011/11/11/football-les-etats-unis-etoile-montante-du-soccer_1600691_3242.html

http://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Audience-record-pour-la-finale/122870

http://rmcsport.bfmtv.com/info/622097/video-etats-unis-marquent-twitter-explose/

http://www.espoirsdufootball.com/portrait-freddy-adu-32159

http://yourzone.beinsports.fr/coupe-monde-un-ghana-usa-dispute-et-engage-71206/

Le journal « L’équipe » du 18/06/2014

Publié le 20/06/2014


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