Athlétisme : la salle à l’ombre du plein air :
Aujourd’hui, 15 jours se sont écoulés depuis leur clôture
et le soufflet des championnats du monde en salle d’athlé n’est
toujours pas retombé. Evidemment, car il n’a jamais su gonfler.
Comme le prouve le fait qu' Éloyse Lesueur s’y soit imposée,
à la longueur, dans un anonymat médiatique quasi-complet.
Pourquoi l’athlétisme en salle attire-t-il si peu la lumière par
rapport à son illustre homologue qui à l’air libre suscite tant
d’intérêts ?
Champion du monde ... en salle, voilà un titre qui manque à
Usain Bolt. En effet la foudre a décidé de ne jamais frapper en
des lieus, par un toit, protégés. Cette ligne vierge dans le palmarès
du jamaïcain, qui en compte si peu, le symbolise à merveille : c’est
un fait, l’athlétisme indoor, est aujourd’hui tapi dans l’ombre de
celui qui se pratique dehors.
En athlétisme, la salle est au plein air, ce que le petit bassin est au
grand en natation: un petit frère qui se contente sagement des
miettes laissés par son aîné. Cette différence de traitement paraît
même plus grande que celle qui régit la natation, où le petit bassin,
du long de ses 25 mètres, est un chérubin un peu plus turbulent.
La salle, une étape plus qu’une finalité...
Car les compétitions indoor sont, fréquemment, seulement
l’occasion, pour les plus grands champions, de parfaire leur
condition. Une simple occupation de début de saison donc.
Une sorte de tour de chauffe dans la froideur de l'hiver, en
attendant de s’expliquer, pour de vrai, dans un grand stade par
une chaleur estivale.
Bien sûr il existe certaines exceptions mais, bien souvent, la salle
n’est qu’une étape dans la préparation des athlètes. Préparation
minutieuse, visant à atteindre le fameux pic de forme en temps
voulu. L'indoor fait alors office de pointage, de temps de passage,
avant les échéances futures.
Cette tendance, consistant à confier à la salle un rôle, certes
important, de figurant, les athlètes l’assument souvent. Christophe
Lemaitre en tout cas, ne s’en cache pas : « C’est vrai que ce n’est
pas l’objectif des athlètes. L’athlétisme est un sport d’extérieur,
que l’on doit pratiquer sur de vrais anneaux de 400m. La salle peut
servir à peaufiner quelques réglages avant l’été mais pour moi c’est
une habitude de ne pas courir les grands championnats indoor. »
... boudée par de prestigieux absents
Mais plus encore que cantonnées à un rôle mineur, les compétitions
en salle sont parfois tout simplement ignorées par les plus grandes
stars de l’athlé.
Ainsi, comme évoqué précédemment Usain Bolt leur tourne le dos
comme Michael Johnson en son temps. Ce dernier, 12 médailles
en extérieur (mondiales et olympiques cumulées) toutes forgées
du même métal doré, n’en a jamais remporté la moindre lors des
championnats du monde en salle.
Mais parfois les grands noms répondent présents.
Comme le prouve, entre autre, le fait qu’en 1999 Maurice Greene,
célèbre pit bull du tartan, remporte le 60m des championnats du
monde en salle, en 6s42. Mais le nom de son prédécesseur, un
certain Charalambos Papadias, tenant du titre 1997, en 6s50,
illustre à quel point le niveau du plateau peu varier d’une
édition à une autre.
Car entre celui qui l'été de l'année de son titre (1999) battra le
record du monde du 100 m (en 9s79) et le jeune grec qui, dans
cette même discipline, ne tutoiera jamais la barre des 10s
(record à 10.15 ), il existait un monde.
Cette variabilité du casting explique le léger décalage qui subsiste
parfois entre la vérité de l’hiver et celle de l’été.
2004: choix des années paires, bonne idée ou impair ?
A partir de 2004 les championnats du monde en salle (première
édition en 1985) se déroulent les années paires, pour ne plus subir
la concurrence de leurs alter-ego qui ont lieu en plein air (nés en 1983)
… mais ils se soumettent ainsi, depuis, une fois sur deux, à celle
encore plus imposante des Jeux Olympiques d’été.
Ce choix, discutable, fait écho à celui du CIO justement, lorsque
JO d'hiver et d'été furent séparés pour que le premier vole de
ses propres ailes, à partir de 1994.
A l’exception près que ces deux derniers ne concernent pas
les mêmes protagonistes. Bien que certains athlètes aient
tenté de briller sur les deux pans de l'Olympisme. Par exemple,
Lolo Jones, hurdleuse* américaine passée à deux haies de la
victoire et donc à deux doigts de l’or à Pékin1, et Jérémy
Baillard, ancien espoir du lancer du disque français, ont disputé
cette année, en Bobsleigh, les Jeux Olympiques de Sotchi.
Mais ce sont des cas particuliers et la comparaison s'arrête donc là.
Dénigrée.. jusqu’à discréditer la performance ?
Car en athlétisme, a priori, briller entre quatre murs ou à
l'air libre ne paraît pas incompatible. Mais l'air justement, ou plus
précisément le vent, est un facteur très influent, qui s'évapore lors
des compétitions indoor. Une des raisons qui font que la version
intérieure de l'athlétisme est parfois dénigrée.
Ainsi, aux yeux des gens il existe bien une hiérarchisation entre
les deux versions de l'athlé. Une hiérarchie, bien définie, que l'IAAF
a tenté de pondérer.
En effet, Renaud Lavillenie détient aujourd'hui le record du
monde du saut à la perche, avec une barre de 6m16 franchie à
Donetsk, sous les yeux de Sergueï Bubka . Un record absolu,
sans nécessité d'y joindre le modérateur suffixe "en salle", car
depuis 2000 l'IAAF a uniformisé les performances, ne les
comptabilisant plus différemment qu'elles soient réalisées dehors
ou dedans.
Mais pour beaucoup Lavillenie devra franchir une telle barre
en plein-air pour détrôner son illustre aîné, comme si le 15 février
dernier, le plafond de la salle le séparait encore de l’étoile haut
perché que le tsar Bubka représente pour le monde de l’athlé.
Une péjorative image donc, qui colle encore à la peau des
gymnases lorsque l'on parle d'athlétisme. Jusqu'à quand cette
image négative sera-t-elle accolée aux lieux clos de l'athlé?
Les compétitions en salle, rendez-vous hivernal, sont elles
destinées à ne rester que le faire-valoir de leur homologues
de l’été, ou peuvent elles espérer s’émanciper de l'étouffante
supériorité de ces dernières en terme de renommée?
Cette lutte intestine ne doit pas occulter les performances des
athlètes qui au rendez-vous de la salle ont répondu présent.
Ainsi, Éloyse Lesueur pourra toujours se targuer d’avoir un jour
été sacrée championne du monde de sa spécialité.
*Athlète spécialiste des courses de haies
1http://www.youtube.com/watch?v=M0JybqmsF9w
FARVACQUE
Simon
http://fr.wikipedia.org/wiki/Championnats
_du_monde_d'athl%C3%A9tisme_en_salle_2014
http://www.lemonde.fr/sport/article/2014/03/06/
la-salle-ne-fait-pas-recette_4379036_3242.html
http://www.jeremy-baillard.fr/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Records_du_monde
_d'athl%C3%A9tisme
http://fr.wikipedia.org/wiki/Charalambos_Papadias
Publié le 23/03/14